"Orages mécaniques" - Pierre Pelot

Pierre Pelot est un auteur connu du champ éditorial français. Mais à ce jour, je n'avais encore rien lu de lui. A présent, conquis, ce sera sûrement sur "Delirium Circus" et "C'est ainsi que les hommes vivent" que mon attention se portera. En attendant, "Orages mécaniques" permet la découverte de trois de ses romans édités dans les années 70



++ La quatrième de couverture ++


Sur la Terre d'après le Chaos, il y a de nouveau les maîtres et la populace. Il y a aussi les Fouilleurs qui creusent les ruines, à la recherche des vestiges d'antan... et parmi eux, celui qui deviendra Kid Jésus. Soyez heureux et fiers, car vous êtes citoyen de l'Union Fasciste des Etats d'Amérique, le pays doté du plus faible taux d'Anormaux du monde ! Surtout vous, Price Mallworth, prêtre de la Nouvelle Religion Catholique Eclairée. Même si, peu à peu, l'univers se fissure et que des questions interdites vous taraudent... Cath et Luc ont fait quelque chose de défendu, et les crabes se sont mis à sourire. Alors ils sont partis tous les deux. Loin de leurs parents, sur l'autoroute sans fin. Direction : le bout de la nuit. Pour la première fois sont réunis trois romans appartenant à la veine la plus violente de l'auteur. Un apprenti messie, un prêtre paumé et un couple maudit - de sombres héros, pour un futur sans illusion.


+++ Mon avis +++


Avec ce livre sorti dans la collection Trésors de la SF, Bragelonne réédite trois romans de l'auteur français Pierre Pelot. L'occasion de découvrir, ou redécouvrir, cet auteur vosgien qui est un écrivain prolifique, près de 200 bouquins, et qui est passé par divers genres comme le western, la science-fiction, le fantastique, le roman historique et le roman noir. Sans oublier les scnéarios pour le théâtre et le cinéma, ainsi que la littérature jeunesse et la bande dessinée. Au travers de toute cette expérience il a, entre autre, pu recevoir le Grand Prix de l'Imaginaire pour "Delirium Circus" (1978). Bref, Pierre Pelot n'est plus un débutant qui doit prouver qu'il existe. C'est une institution qui a marqué la SF française. 

Avec ce "Orages mécaniques", Bragelonne réédite donc trois romans des années 70 (bon ok il y aussi un titre de 1980) issus de la plume de Pierre Pelot. "Kid Jésus" et "Le sourire des crabes" furent édités respectivement chez J'ai Lu en 1980 et Pocket en 1977. "Mais si les papillons trichent" fut publié sous le nom de Pierre Suragne en 1974 au Fleuve Noir. Trois romans noirs, efficaces, assez durs, plutôt anarchistes, presque dickiens et qui collent assez bien ensemble pour cet omnibus. 

"Kid Jésus" est le premier roman. Nous sommes en 2350 et la Terre a subit un cataclysme qui a bouleversé la face des continents. L'homme a survécu bien sur, mais aujourd'hui, il doit lutter pour sa survie. Ainsi en est-il pour Julius Port, fouilleurs parmi tant d'autres qui grâce à son engin mécanique va à la chasse au trésors des temps  anciens, ceeux d'avant le cataclysme. Cette caste des fouilleurs fait partie des plus bas de la société. Ce sont également eux qui défrichent le terrain avant l'arrivée des colons. Une fois l'objet trouvé, à eux de le revendre à un intermédiaire qui le revendra plus cher ailleurs, profitant ainsi de travail des fouilleurs sans oublier le commerce qu'ils font avec eux en leur vendant leurs rations de survie. Bref ces fouilleurs, sortes de corons des temps anciens, sont les gueules noirs du futurs, ceux qui triment pour engraisser d'autres personnes. Face à cela, et suite à la découverte d'un stock important de gas-oil, Julius Port va se lancer dans une croisade. Pour y arriver, il se basera sur l'histoire d'un personnage du passé, un certain Jésus dont il a entendu l'histoire sur une cassette trouvée lors de fouilles. Mais plutôt que prêcher la théologie, il empruntera les voies plus socialistes du partage avec tout un chacun, mettant ainsi à bas la société pyramidale qui soutient ce monde. Contre-pouvoir face au pouvoir, lutte collective contre forces établies, le roman est un peu tout cela. Mais Kid Jésus, alias Julius Port, n'est pas exempt de défauts non plus, et cela amène une touche intéressante au récit qui pourrait alors n'être qu'un simple pamphlet. Roman sur la relation au pouvoir, il touche sous une approche qui pourrait sembler manichéenne de prime abord, la corruption des coeurs que peut amener le pouvoir.

"Le sourire des crabes" est le roman violent de cet omnibus. Il dépeint une France décalée légèrement vers le futur, un hexagone qui a sombré dans le fascisme pour être dirigé par un certain Prince. A bien lire l'ensemble, on n'est pas toujours très loin de ce que semble être la France d'aujourd'hui vu de Belgique. Mais revenons au roman... Tout le monde vit dans le meilleur des mondes. Le travail c'est le bonheur, la situation est la façade et la télé remplace notre cerveau. Que demande le peuple? Le divertissement, fut-il sanglant. Alors à la télé on regarde Monde Spectacle, sorte de vidéogag où l'on passe des films amateurs de gens qui déraillent, tuent une autre personne ou tout autre chose aussi distrayante. Faut-il faire ici un parallèle avec la télévision et le cinéma actuel? ... Face à tout cela il y a Luc et Cath. Celle-ci sort à peine d'hôpital psychiatrique et doit repartir pour un autre, plus spécialisé. Luc propose donc à son père de la conduire et c'est pour eux l'occasion d'enfin vivre leur liberté, armes au poings. La route est à eux et se déroule alors un road-trip sanglant, tel "Teurs nés", duquel ils ne se relèveront pas. 
"Le sourire des crabes" est un roman dur, violent, provoquant et fataliste. Lorsque le monde ne vous convient pas alors c'est vous qui êtes inadapté, et dans une France fasciste il n'y a pas de place pour ces gens-là. Alors si l'on ne peut s'adapter et que l'on ne veut pas de vous, il ne reste plus qu'un chose : prendre les armes et foutre tout en l'air. A lire ce roman, on a l'impression de sentir une certaine fascination envers ces groupuscules armés révolutionnaires de l'époque. Comme s'il la violence était acceptable dans le cas de la Bande à Baader, des Cellules Communistes Combattantes, de la Fraction Armée Rouge et tous ces groupuscules d’extrême gauche. Il est vrais que d'avoir lu des pamphlet de ces groupes on y retrouve une réflexion intéressante, mais selon moi, la fin ne justifie pas les moyens. D'autant que les moyens utilisés, fussent-ils extrêmement violents, n'ont jamais rien apporté si ce n'est la peur. Bien loin du réveil des consciences espéré pour la lutte prolétarienne.  Il distille bien sur quelques paragraphes libertaires qui font plaisir à lire, juste histoire de remuer le tout. Sans oublier l'ensemble qui a un petit quelque chose de... dickien. Mais finalement, "Le sourire des crabes" ne serait-il pas juste l'histoire de la pure folie de deux personnes face au désespoir?

"Mais si les papillons trichent" est le dernier des romans et le plus court également car il fut publier au Fleuve Noir à l'époque. Si le précédent avait quelque chose de P.K. Dick, celui-ci m'a rappelé Ray Bradbury et "Farenheit 451". Même si à bien y réfléchir, on retrouve ici un côté très dickien. 
Derrière ce titre bien étrange se livre à nouveau une histoire sombre. L'Union Fasciste des Etats d'Amérique a réussi à contrôler son taux d'anormaux grâce à un travail eugéniste de longue haleine. Dans ce bonheur permanent, Price Mallworth officie comme prêtre de la Nouvelle Religion Catholique Éclairée. Mais petit à petit le monde de Price va s'ébrécher, des doutes s’immiscer. Est-il malade? Atteint d'anarpshychose ou de gauchomanie? Quel est la part de réalité. Que faut-il croire?
Bref un roman très efficace quoi que finalement assez classique dans son genre vu du regard d'aujourd'hui. Néanmoins, je ne boude pas le plaisir de lecture de ce dernier roman. Bien au contraire. 

"Orages mécaniques" est donc un omnibus très réussi. Et si l'on peut parfois critiquer Bragelonne pour sa ligne éditoriale pas toujours du meilleur goût, mais c'est encore une question de goût bien sur, il reste qu'il ose éditer dans leur collection "Trésors de la SF" des livres que d'autres éditeurs ne penseraient peut-être plus à éditer. Ce livre-ci m'a permis de découvrir avec grand plaisir la plume de Pierre Pelot, d'un style ramassé, rythmé et percutant embellie d'idées revendicatrices et libertaires. Tout pour me plaire quoi. Un bel ensemble magnifié par la sympathique couverture de Marc Simonetti. Sans oublier la post-face de Claude Ecken, toujours plus intéressant que la préface vu qu'on a digéré le livre, qui met en perspective l'oeuvre de Pierre Pelot. Un livre à conseiller, mais attention : âmes sensibles s'abstenir!



+++ Mais encore +++

12ème lecture pour le challenge Fins du Monde :
Mes autres chroniques pour se challenge.


+++ Le livre +++
  • Broché: 497 pages
  • Editeur : Bragelonne (25 août 2008)
  • Collection : Science-fiction
"Orages mécaniques" - Pierre Pelot "Orages mécaniques" - Pierre Pelot Reviewed by Julien le Naufragé on mercredi, décembre 12, 2012 Rating: 5

4 commentaires:

  1. Ca a l'air très sombre effectivement, mais également très intéressant! Je note la référence ^^

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  2. Je le note, avec cette réserve que les trucs qui basculent dans le fascisme commencent à me sortir des yeux ;)

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  3. J'ai "Kid Jésus" sur ma PAL, acheté en profitant de la fameuse opération Bragelonne.
    Ca a du bon ces "vieux" romans, souvent courts, percutants, et ne s'embarrassant pas de milles détours pas toujours utiles.

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  4. @ Monochrome : Il s'agit surtout du deuxième texte qui est violent. Les autres sont juste sombres ;-) Au passage, bienvenue par ici.

    @ Gromovar : Le deuxième texte est sur fond d'un état fasciste, mais il s'agit plus largement des libertés brimées et du fait de ne pas pouvoir être différent. Le tout avec plein de couches de violence.
    Le troisième texte joue plus fortement cette touche de l'état sécuritaire, globalisant et fascisant.
    Néanmoins ces deux textes sont très dickien. Et pour ce qui est de l'état fasciste, même si c'est encore uen peur aujourd'hui, il faut bien avouer que j'ai plus peur de la droite capitaliste dure que de l’extrême droite. Même si les deux peuvent être de mèche.

    @ Lorkhan : Percutant ça l'est. Mais "Kid Jésus" est peut-être le plus "lent" des trois. Mais tout est relatif. ;-)

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