Après plusieurs mois d'inactivités, je tente un retour sur mon blog. Après plusieurs mois personnellement très difficiles durant lesquels je me suis mis à lire autre chose que de la fiction, me centrant sur moi au travers de lectures philosophiques (les stoïciens, Fabrice Midal, Alexandre Jollien, Krishnamurti, etc.) et psychologiques (Christophe André, Rick Hanson, Marshall B. Rosenberg, Thomas d'Ansembourg, etc.), je me suis mis à approfondir le plaisir au nature writing au travers de Henry David Thoreau, Rick Bass et Doug Peacock. Thoreau que je relis déjà maintenant par la richesse du contenu de son "Walden" réédité chez Gallmeister éditions.
Se promener dans la nature, déambuler et crapahuter à travers bois, s'arrêter et contempler, réfléchir et puis ne rien faire d'autre que marcher et s'imprégner de la nature qui vous environne, s'extasier de la rencontre avec les animaux, continuer à marcher le sourire aux lèvres, se poser et puis méditer quelques instants, continuer de marcher et sentir le plaisir de la douce fatigue de la marche et des bienfaits de la nature qui vous environne, trouver en ces lieux un sentiment de magie que l'on ne peut sentir que si l'on est seul dans cette nature et disponible au plaisir d'y être. La rencontre de la nature a quelque chose de fort, de réellement unifiant et de magique. Marcher seul à travers bois offre une expérience indispensable, unique et ressourçante car lorsque l'on est seul face à la nature, lorsque l'on est disponible au mystère de la nature, on se sent à la fois rien et tout, petit et deux fois rien face aux arbres qui sont plus vieux et plus grands que vous, et en même temps tout et uni quand on se sent faire partie de cet espace naturel beau et merveilleux. La nature, et plus particulièrement la forêt, a toujours eu un fort impact sur moi et encore plus à cause des événements difficiles que j'ai traversés.
Dans les écrits sur la nature (nature writing), je retrouve ce plaisir et ce sentiment partagé. Je n'habite pas le Montana sauvage comme Rick Bass, ni même une cabane isolée comme Henry David Thoreau, encore moi ne suis-je occupé à courir les bois à longueur d'année comme Doug Peacock, mais pourtant ce n'est pas l'envie qui m'en manque, certainement pas !
De Rick Bass, j'ai lu deux livres magnifiques. Le premier est "Le livre de Yaak", un court ouvrage de même pas 170 pages mais d'une richesse incroyable. Mon livre est d'ailleurs constellé de marques-pages, marqué que je suis par la beauté du phrasé de Rick Bass et de ce qu'il écrit sur la nature. Une écriture à la croisée de la poésie et de la philosophie, marqué par la magie mystérieuse des grandes forêts sauvages du Montana, plus particulièrement de la vallée du Yaak où Rick Bass vécu 20 ans et où il écrit ce livre dans l'optique de sauver cet endroit de la voracité des hommes tout en souhaitant garder ce lieu sauvage et mystérieux.
"On mesure le diamètre d'un arbre. On ne mesure pas la magie d'une forêt, ni l'effet produit sur l'esprit par une forêt saine et vigoureuse, qui croît de toutes ses forces naturelles."
En un seul livre, Rick Bass a fait de moi un fan !
Après Rick Bass, c'est Doug Peacock que j'ai découvert et son livre "Mes années grizzly". Revenu mentalement brisé de la guerre du Vietnam, Doug est dégoutté de l'homme et de sa bêtise destructrice, sa misanthropie et son besoin de reconstruction l'on amené dans les forêts et les montagnes, courant les bois durant 20 ans sur les traces du grizzly. Devenu avec les années l'un des plus grands spécialistes de cet ours brun, Peacock nous emmène de l'Alaska à la mer de Cortès, décrivant ses pérégrinations, ses rencontres avec le plantigrade, ses luttes avec ses cauchemars d'ancien infirmier de guerre, et tout ce que la nature et la solitude peut lui apporter. Mais une chose est sure, la rencontre avec l'ours médecine, comme l'appelait les indiens, est aussi la rencontre avec le mystère, celui de la sauvagerie brute, celui d'un animal ultra intelligent et spécialiste de l'adaptation, d'un être mystérieux qui a appris tant aux hommes tout en étant en même temps un prédateur dangereux. "Mes années grizzly" est un ouvrage magnifique qui pèche par quelques longueurs ou répétitions, mais qui vaut le coup d'être lu, au moins par épisodes. Génial.
Doug Peacock terminé, la vie a mis sur mon chemin un autre livre de Rick Bass : "Les derniers grizzlys". Il faut croire que le besoin de nature, mon nouvel amour pour Rick Bass et mon intérêt, depuis gamin, pour le grizzly ont amené sur ma route cet ouvrage quasi indispensable ! Dans ce roman, on y retrouve Doug Peacock parti, sur base d'une rumeur, à la recherche d'un improbable dernier grizzly dans les montagnes des San Juan dans le Colorado. Rick Bass et Peacock, accompagnés de Denis Sizemore, crapahutent à travers forêts et montagnes, traquant la moindre trace du grizzly légendaire, considéré comme éteint à cet endroit là.
"Les derniers grizzlys" est un livre magnifique. Porté par la plume ensorcelante de Rick Bass, on est amené à vivre un récit d'aventures qui tient surtout d'une quête initiatique car nos trois personnages qui courent les bois et les montagnes à la recherche du dernier grizzlys se retrouvent surtout à courir après eux-même, à se retrouver face au mystère et à la sauvagerie des grands espaces, juste retour de l'homme face à la nature et face à cette nature même qui l'habite. Rick Bass a une écriture magnifique et encore une fois j'aurais pu consteller le livre de marques-pages. La course à travers bois offre l'aventure, l'écriture de Bass la poésie, mais l'auteur y trouve aussi la sagesse et cela se retrouve dans un tas de passages justes incroyables de beauté et d'intelligence ! "Les derniers grizzlys" est juste un livre merveilleux ! Et j'en veux d'autres de Rick Bass.
Après ces récits, c'est un retour vers Henry David Thoreau que j'effectue, après un passage entre les pages de Ralph Waldo Emerson. Il y a quelques petits mois, je lisais en numérique "Walden", que je n'avais jamais chroniqué, mais la ressortie du livre au format poche chez Gallmeister m'a donné envie de le relire, surtout après avoir lu Rick Bass avant.
Dans son "Walden", Henry David Thoreau nous invite à suivre ses réflexions durant ses deux ans de vie en autarcie auprès de l'étang de Walden, en 1845. "Walden" est un livre inclassable, un journal plus qu'autre chose, proche des "Essais" de Montaigne d'une certaine manière. Thoreau y raconte toute sa vie frugale dans les bois du Massachusetts, tant ce que lui a coûté la construction de sa cabane et son potager, que toute la richesse de sa réflexion sur la société, la relation de l'homme avec les autres hommes mais surtout de l'homme avec la nature, de la beauté de la nature, de l'importance de la nature pour l'homme et du sens de l'existence. Thoreau est un précurseur dont la réflexion profonde est encore juste aujourd'hui ! De nombreux passages sont toujours aussi pertinents quant à la critique de notre société sans compter tous ces passages merveilleux sur la nature.
Entre le journal personnel, l'essai philosophique, le pamphlet et le journal naturaliste, "Walden" est un ouvrage rare et précieux. Henry David Thoreau offre avec ce livre un ouvrage précurseur pour la nature writing, offrant à l'âme le retour à la nature, mouvement salvateur où l'homme dans l'isolement se retrouve face à lui-même dans un mouvement nécessaire pour la prise de conscience de soi, de la nécessité de vivre avec la nature et des bienfaits de l'introspection. Ne faut-il pas finalement s'abstraire du monde pour réussir à devenir soi ? En tout cas, c'est très tentant à vivre !
Pour les amateurs de numérique, on trouve la traduction de Louis Fabulet dans le domaine public, pour les amateurs de papier, cette version chez Gallmeister offre une nouvelle traduction réalisée par Jacques Mailhos. Mais n'attendez pas de moi une argumentation sur la qualité de la traduction de l'un ou l'autre.
De Rick Bass à Henry David Thoreau, en passant par Doug Peacock et Pete Fromm par le passé, je sens qu'il va falloir que je passe par un moment d'isolement, soit sédentaire dans une cabane, soit lors d'une pérégrination avec bivouac. Se retrouver seul, face à soi, se déconstruire pour se reconstruire, faire face au grandiose de la nature, faire face au mystère et au sauvage, se sentir uni à quelque chose de beau, de grand, voir de magique : la nature. Une quête indispensable. Une quête sans fin.
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Chroniques en vrac #8 : Rick Bass, Doug Peacock et Henry David Thoreau
Reviewed by Julien le Naufragé
on
dimanche, juillet 02, 2017
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Je ne sais pas si c'est me genre de lecture, mais j'aime bien le concept.
RépondreSupprimerClair que la forêt, les bois, ont un petit qqch de magique... j'ai toujours joué dans les bois (un truc de l'enfance).
Quand j'y fais mon jogging (ou des balades) aujourd'hui, ce sont toutes les senteurs et le calme qui sont plaisants... puis en même temps je me fais toujours super peur, y a quand même des endroits qui sont #stephenking :-)
Beau reportage photo qui accompagne ta chronique.
Merci pour le commentaire positif sur les photos ;-)
SupprimerLa forêt pour moi est magique et ressourçante, un besoin de connexion devenu vital ! Réellement !