Cela faisait un petit moment que le polar du bout du monde de Caryl Férey me faisait de l'oeil. L'aspect noir et violent de ses récits ainsi que l'aspect critique qui semble en émaner me tentaient énormément. Pour le coup, c'est la rencontre au festival Boulevard du Polar à Bruxelles qui m'a convaincu ainsi que la noirceur de la première page de "Haka".
La "Saga maorie", qui comprend "Haka" et "Utu", vient d'être rééditée en un seul ouvrage par Folio Policier avec un prologue inédit en plus.
La "Saga maorie", qui comprend "Haka" et "Utu", vient d'être rééditée en un seul ouvrage par Folio Policier avec un prologue inédit en plus.
L'histoire de "Haka"
Il y a 25 ans de cela, le Maori Jack Fitzgerald est entré dans la police d'Auckland dans le but de retrouver sa femme et sa fille disparues. Aujourd'hui capitaine, il reste obsédé par cette disparition et continue à rechercher sa famille au travers de ces enquêtes quotidiennes, tentant de trouver un éventuel lien qui lui permettrait de retrouver sa famille.
Un jour, un corps mutilé est retrouvé sur la plage, le premier d'une longue série. Pour cette enquête, Jack Fitzgerald sera secondé par Ann Waitura, une jeune criminologue. Pour eux deux, cette enquête sera le début d'une plongée dans la douleur, la violence, la ségrégation, le racisme et la guerre de libération maorie.
L'histoire de "Utu"
Après une violente engueulade avec Jack Fitzgerald, Paul Osborne a quitté la police et s'est exilé. Cependant, suite à la mort de Jack, la police d'Auckland cherche à engager Osborne pour enquêter sur cette mort étrange. D'un côté la mort de Jack reste inexpliquée mais pire que tout : le cadavre du chaman maori n'a jamais été retrouvé. Spécialiste de la question maorie, Osborne serait un atout indéniable pour remonter ces deux pistes. Dans sa quête, il sera aidé par Amelia Prescott, une jeune légiste fraîchement débarquée en Nouvelle-Zélande.
En plus d'un climat social et politique difficile, Paul Osborne doit lutter contre ses propres démons car le spectre douloureux de son amour d'enfance, Hana, une jeune maorie radicalisée, continue de la hanter.
Mon avis sur la "Saga maorie" de Caryl Férey
De ce que j'avais déjà pu lire sur Caryl Férey, c'est que ses récits étaient résolument noirs et violents. Ce n'est pas faux. Mais ils sont également durs et envoûtants. Incroyablement envoûtant ! Pas comme la beauté qui peut vous captiver et vous subjuguer, non, plutôt comme la noirceur épaisse d'un gouffre qui vous invite à sombrer profondément. La "Saga maorie" est de ces livres là : noir, dur, obsédant, violent et intelligent. Intelligent car il dresse un portrait social rude de la Nouvelle-Zélande, bien loin des images de cartes postales, bien loin des clichés ethnos que l'on pourrait avoir sur les Maoris et la coexistence aisée avec les blancs. La Nouvelle-Zélande est un pays comme ailleurs, qui vit avec sa ségrégation raciale et sociale. Rien de moins. Rien de mieux.
Avec "Haka", précédé d'un prologue inédit, on plonge rapidement dans la douleur et la noirceur. Avec Caryl Férey, il n'y a aucune lumière au bout du tunnel : jamais ! On avance. On fait face avec les personnages. Et on déguste salement comme eux. Aucun compromis. Aucun preux chevalier non plus. Le récit est dur et puissant. Obsédant !
Avec rythme et tension, Caryl Férey nous fait avancer dans chacun de ses récits avec une frénésie sans fin. La noirceur du récit est tellement captivante que l'on tourne les pages sans répit. On se prend a espéré une note d'espoir, voir un happy end histoire de reprendre son souffle, mais cela n'arrive jamais. Et c'est probablement ce qui fait la force de son récit. On retrouve bien sur les clés qui font le succès de ce genre de roman : des meurtres violents, un climat social lui aussi violent, du sexe, des personnages détruits, l'obsession, la vengeance, le jusqu'auboutisme des enquêteurs et la noirceur de la réalité crue.
Mais Caryl Férey ne s'arrête pas là, cela ferait de lui juste un autre romancier du genre. Il joue la carte du polar ethno, avec une couche sociale importante. Caryl Férey nous fait découvrir la dure réalité des Maoris, peuple fier, dont on ne connait généralement que le fameux haka dansé par les All Blacks (équipe nationale de rugby). La réalité historique nous montre que les Maoris ont perdu leur terre en signant un document avec l'Empire britannique et depuis, la culture maorie tend à disparaître, voir à être effacée. Caryl Férey nous montre la réalité actuelle des maoris en Nouvelle-Zélande, celle d'un peuple relégué à la pauvreté, claquemuré dans des quartiers sales, sortant trop tôt de l'école pour plonger dans l'alcool, la drogue et la violence. La ghettoïsation d'un peuple fier peut souvent, comme ici, mener à la violence extrême.
S'il fallait pointer un défaut, je dirait qu'il y a quelques phrases un peu étranges dans "Haka", mais arrivant dans "Utu", on sent déjà que le temps a passé entre les deux et que la plume de Caryl Férey s'est aiguisée. On pourrait éventuellement reprocher de trouver un schéma similaire entre les deux livres : un flic détruit, une obsession et une femme. Mais passons, c'est un schéma assez classique, cela marche superbement bien et cela ne m'a pas gêné du tout. Bien du contraire.
Au final, je ressors de la "Saga maorie" avec la furieuse envie de lire d'autres de ses livres. J'en ai déjà acquis deux autres. Reste à les lire. J'ai retrouvé le plaisir de la noirceur sans espoir et obsédante de James Ellroy (oui, j'ose la comparaison), avec une question sociale ethnique bien différente. Bref, la découverte littéraire de Caryl Férey est pour moi une belle claque. Et des quelques mots échangés avec lui à Bruxelles, il semble être un personnage bien sympathique également. A découvrir donc !
"Saga maorie" - Caryl Férey
Reviewed by Julien le Naufragé
on
lundi, août 29, 2016
Rating:
Tu me rappelles ma lecture de cet ouvrage ! Je lui avais aussi trouvé quelques bémols (un peu de trop de facilité parfois) mais pareil que toi, impossible de lâcher le livre et la description du peuple Maori vaut vraiment le détour :-)
RépondreSupprimerJ'ai pas eu ce sentiment de "trop facile" personnellement. Mais difficile de lâcher ce livre une fois en mains.
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