Avec "La mort du Melkine", on retrouve le vaisseau universitaire "Le Melkine" ainsi que ses personnages 15 ans plus tard. Passé de l'adolescence à l'âge adulte, que reste-t-il de l'amitié et des promesses de jadis ?
A propos de Olivier Paquet
Olivier Paquet, né en 1973, est auteur de science-fiction et docteur en science politique. Il a publié à ce jour 6 romans dont 3 font partie du cycle "Le Melkine". Son premier roman, "Structura Maxima" vient d'être réédité par les éditions L'Atalante. Egalement nouvelliste, on retrouve plusieurs de sses texts en revues ou anthologies.
La trilogie du "Melkine" a reçu le Prix Julia Verlanger en 2014.
La trilogie du "Melkine" a reçu le Prix Julia Verlanger en 2014.
Mon avis sur "La mort du Melkine"
Avec "La mort du Melkine", nous voici de retour dans l'univers du "Melkine". La communication instantanée s'est développée à travers l'espace et la guerre entre les Fréquences fait rage. Ces mégafirmes qui dirigent les communication, se disputent les zones géographiques de l'Expansion tout en effaçant lentement mais doucement les conditionnements culturels de chaque planète.
De son côté, Le Melkine, ce vaisseau universitaire, continue sa route à travers l'espace tout en continuant à transmettre son savoir et sa philosophie universelle.
Depuis le premier le premier roman, "Le Melkine", 15 ans ont passé. Théo est retourné sur Giverne avec sa femme Myriam où ils dirigent à deux une auberge qui leur assure une vie laborieuse. Néanmoins, Théo ne rêve que d'une chose : retrouver les étoiles. Mais voilà qu'un jour Ismaël débarque sur Giverne. Chassé à l'adolescence du vaisseau, il n'est plus le même qu'à l'époque. Il est devenu le Cheik Noir, le dirigeant de Crépuscule, la seule Fréquence capable de rivaliser avec Banquise, la Fréquence de la technoprophète Azuréa.
Dans ce deuxième tome de la trilogie du "Melkine", on retrouve nos protagonistes avec 15 ans de plus. Devenu adulte, le ton du récit a donc un peu changé. Pas dans la narration, mais dans les considérations des personnages. Terminés les conneries d'écoliers. Certains sont devenus professeurs sur le Melkine (comme Alexandre), d'autres ont migré sur un monde (comme Théo et Myriam), voir pour un autre encore devenu acteur important des Fréquences (comme Ismaël). Le groupe avait déjà éclaté dans le premier tome, mais 15 ans plus tard, la vie a suivi son cours et chacun a sa propre vie, ses propres envies, espoirs et désespoirs.
Pourtant, si les protagonistes principaux de la lutte sont bien Azuréa et Ismaël, ce sont bien Théo, Myriam et Alexandre qui seront les principaux acteurs ici. Devenus adultes, ces trois derniers, ainsi qu'Ismaël, sont soumis aux décisions de l'âge adulte. Les passions et envies sont encore là, mais les obligations sont maintenant également présentes, pesant parfois lourdement sur leurs vies. Bref, Olivier Paquet nous offre des personnages réellement attachant car adultes, complexes et plein d'émotions. Sauf peut-être la Technoprophète, Azuréa, toujours aussi détestable avec ses drones que l'on dirait sorti d'un roman de Iain M. Banks.
Le récit global est entrecoupé par d'autres histoires qui sont des instantanés de vie des planètes sous conditionnements culturels qui subissent le déferlement de la culture unique et formatée diffusée en direct, et dans tout l'univers, par les Fréquences. Construit comme de réelles nouvelles, ces histoires peuvent tenir seules. On se souvient d'ailleurs du "Peuple des signeurs" qui fut publié lors de la Décade de l'Imaginaire de L'Atalante éditions en 2013, récit superbe par ailleurs avec ce peuple aux coutumes asiatiques qui peuvent communiquer en signant des calligraphies dans l'air. Cette manière d'écrire les chapitres comme des nouvelles presque autonomes est d'ailleurs une force et une qualité de l'écriture d'Olivier Paquet car on est très vite plongé dans le récit et l'atmosphère de l'histoire.
De plus, "La mort du Melkine", tout comme la trilogie dans son ensemble, n'est pas un simple récit d'aventure. Olivier Paquet nous amène à réfléchir tant à l'uniformisation de la culture par les médias qu'à son opposé qui est la tradition immobile et conservatrice. Si les Fréquences, avec un personnage comme Azuréa, rêve d'une uniformisation globale, ce que d'autre appellerait "pensée unique" et formatée, d'autres, comme le Melkine, rêve d'un universalisme de liberté de penser et de bouger qui sape les conservatismes traditionnels sans pour autant détruire ces mêmes traditions. Le Melkine est donc une sorte de voie médiane entre la tradition immobiliste des planètes immobilisées par un conditionnement culturel et les Fréquences qui veulent tout saper en uniformiser la culture selon leurs visions. Bref, une réflexion assez contemporaine sur la liberté et l'immobilisme qui permet de plonger le space opera dans d'autres schémas de pensée. On est lui du space opera de papa avec capes et pistolasers, mais le rêve des étoiles est toujours présent lui !
"Mariée à un propriétaire d'élevage ou paysanne, c'est pareil ici. Vous, vous êtes libres ! Vous avez voyagé, vous avez vu.- Et je me suis installé ici. Comme quoi...- Peut-être, mais vous avez choisi, pas moi. J'ai un conditionnement, qui suis-je au fond ? Tout ce que je connais émane d'un programme artificiel, je ne suis rien. Si je pars, je pourrai me faire mon propre avis, me construire."(extrait p.199)
Bien sur, on peut arguer comme défaut que la fin du roman est un peu téléphonée. D'abord par le titre du livre qui annonce la couleur et parce que l'on sait qu'un troisième tome arrive. Ou bien encore cette forêt de cristal, sorte de deus ex machina qui se révèle être une arme parfaite contre la Technoprophète. Mais ne boudons pas notre plaisir, car la trilogie, après deux tomes lus, se révèle être un réel plaisir de lecture. Et Olivier Paquet, un auteur à suivre !
"Oui, c'est beau. Vivre parmi les étoiles, c'est respirer.- Mais pourquoi t'es pas là bas ?- Au début, on ne veut pas devenir terrestre, on a l'impression de mourir rien qu'en y pensant. Et puis un jour on se rend compte qu'elles sont toujours là." Romain tapote le front de Rébecca. "Les étoiles sont en moi, alors je peux descendre car je ne les perdrai pas.- Mais pourquoi descendre ? C'est pas obligé !- Non, ce ne l'est pas. Mais j'ai voulu partager le rêve. Les étoiles n'ont pas besoin de nous pour être magnifiques, elles sont indifférentes. Nos existences ne sont pour elles que des choses misérables. Quand on le sait, quand on en est convaincu, alors on peut commencer à aimer l'humanité.(extrait p. 38-39)
"La mort du Melkine" - Olivier Paquet
Reviewed by Julien le Naufragé
on
samedi, juin 27, 2015
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