"Kirinyaga", de Mike Resnick, est une série de nouvelles de science-fiction qui nous emmène en Afrique, mais sur une autre planète. Un fix-up constitué de textes couverts de prix littéraires. Et un recueil réellement excellent !
A propos de Mike Resnick
Mike Resnick est un auteur étasunien de science-fiction néé en 1942. Ses écrits prennent régulièrement pour décorum l'Afrique transposée sur d'autres planètes, un continent qui lui offre l'inspiration de nombreux textes et romans : "Kirinyaga", "Ivoire", "Paradis", "Purgatoire" et "Enfer".
Mike Resnick a été très souvent primé (et nominé) pour ses récits par les Prix Hugo, Prix Nebula, Prix Locus, etc.
Mon avis sur "Kirinyaga"
"Kirinyaga" est un fix-up construit sur une série de nouvelles de Mike Resnick publié en 1998. Des textes qui ont reçu un nombre incroyable de prix littéraires (Prix Hugo, Nebula, Locus, etc.). Aujourd'hui réédité et publié en juin 2015 chez Denoël Lunes d'Encre, "Kirinyaga" (trad. Olivier Deparis) est complété par la novella "Kilimandjaro" (trad. Pierre-Paul Durastanti), ce qui explique le sous-titre "intégrale" de cet ouvrage déjà existant en Folio SF.
Pour présenter le monde dans lequel se déroule notre histoire, imaginer le Kenya conquis et soumis par les blancs. Le pays n'est plus ce qu'il était et la capitale ressemble à n'importe quelle mégalopole occidentale. Certains traditionalistes Kikuyus (ethnie kényane) refusent cela et font sécession avec cette marche en avant inéluctable et anti-traditionaliste. Pour eux est donc créé Kirinyaga : un planétoïde où est recréé le Kenya d'avant l'arrivée des blancs, un monde colonisé par les Kikuyu qui peuvent enfin expérimenter leur utopie en revivant selon leurs traditions tribales.
Kirinyaga c'est aussi le nom donné au mont Kenya, le lieu où siège le dieu des Kikuyus : Ngai. Et selon les enseignements de ce dieu, Koriba, fondateur de la colonie, transmet la sagesse à son peuple dés-occidentalisé. Mais même coupé de tout, il est très difficile de faire vivre les traditions ancestrales des Kikuyus, car rien n'est jamais figé tant la vie est en mouvement. Dès lors, Koriba est souvent questionné, mis à mal, voir troublé... car pour lui une seule chose importe : l'utopie à maintenir. Et cette utopie inclus une stagnation des modes de vie et une privation de certaines libertés, ce qui n'est pas toujours facile pour les jeunes et les femmes.
"- Sans nos traditions, nous ne sommes pas des Kikuyus, mais simplement des Kenyans qui vivent dans un autre monde.- Il y a une différence entre la tradition et la stagnation. Si tu interdis toute liberté de goût et de comportement au nom de la première, tu n'arrives qu'à la seconde" Un temps, puis : "J'aurais fait un bon membre de la communauté.- Mais une mauvaise manamouki. Le léopard a beau être un chasseur adroit et un tueur redoutable, il n'a pas sa place dans une troupe de lions.- Les lions et les léopards ont disparu depuis longtemps, Koriba. Nous parlons d'être humains, pas d'animaux, et quel que soit le nombre de règles que tu fais et de traditions que tu invoques, tu ne peux pas obliger tous les êtres humains à avoir les mêmes opinions, les mêmes sentiments et le même comportement."
(extrait p. 169)
Pourtant Koriba, l'initiateur de cette colonie aux traditions ancestrales n'est pas un illettrés. Il a étudié en occident dans de grandes universités. Pourtant, revenu aux pays, il a vu l'effet négatif de la colonisation blanche : l'occidentalisation de son pays. En résistance est née l'utopie kikuyu : Kirinyaga. Ceux qui l'ont rejoint l'on fait de leur plein gré. Sauf pour les jeunes issus de cette première vague de colonisation qui se heurte à l'immobilisme des traditions. Tour à tour, Koriba devra faire face à une jeune femme trop intelligente qui veut apprendre à lire, à la crise d'adolescence et la prise de conscience de son apprentis, ou encore réagir quand sa tribu découvre les bienfaits de la médecine occidentale qui remet en cause ses pouvoirs de sorcier de la tribu.
En plusieurs nouvelles réellement ciselée, Mike Resnick nous amène à réfléchir. Il y a des intérêts à conserver une tradition, au savoir et à la sagesse qu'elle transmet. Mais l'évolution des populations ne peut être stoppée. Il y a toujours quelqu'un ou quelqu'une pour questionner une tradition ou un statu quo. Ces tremblements sont là pour faire avancer la civilisation, vers un mieux ou vers un pire. Mais l'immobilisme ? Il n'y a rien de pire selon moi.
"Lire t'ouvrira les yeux sur d'autres façons de penser et de vivre, et après, tu ne seras plus satisfaite de ta vie sur Kirinyaga."(Extrait p. 57)
Après "Kirinyaga", Mike Resnick nous invite à lire "Kilimandjaro". Construit selon le même principe, cette novella nous emmène de nouveau, à travers des chapitres courts cette fois, à différents moments de l'histoire de la colonie kikuyu. Le narrateur et personnage principal n'est plus Koriba mais un historien. L'histoire fonctionne assez bien, mais peut-être que lue après l'autre, celle-ci peut paraître un peu courte et légère. Dès lors, offrez-vous une pause et revenez lire "Kilimandjaro" car le récit est très bon indépendamment de "Kirinyaga".
"Kirinyaga - l'intégrale" est vraiment un excellent livre. considéré comme un pilier moderne de la science-fiction, ce roman est un réel délice. Intelligent, il nous questionne sur les traditions, les failles d'une utopie, les travers et intérêts d'une évolution des sociétés, etc. Le tout toujours avec un style qui semble léger car porter par la voie d'un conteur : Koriba, le mundumugu des Kikuyus. Une oeuvre sans doute majeure de la SF d'aujourd'hui. Un roman qui est particulièrement accessible à toute personne voulant découvrir la science-fiction. Mike Resnick réunit dans "Kirinyaga" une somme de nouvelles biens assemblées et qui valent vraiment le détour. Un défaut ? C'est un fix-up (assemblage de nouvelles), il y a donc des redites. Mais mis à part cela, ce livre est un petit bijou, et une SF intelligente.
"Kirinyaga" - Mike Resnick
Reviewed by Julien le Naufragé
on
jeudi, juillet 02, 2015
Rating:
Chef d'oeuvre, ni plus ni moins ! ;)
RépondreSupprimerJe suis d'accord
RépondreSupprimerFaut vraiment que je le lise celui-là...
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