Après avoir lu "Bastards", le dernier Ayerdhal en date, j'avais voulu lire le premier livre de l'auteur afin de préparer ma rencontre avec lui en novembre dernier. Déjà à l'époque, il y a près de 25 ans, il montrait les prémices d'un excellent auteur !
+++ La quatrième de couverture +++
Imaginez un art qui stimule la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le
toucher, la perception du mouvement et de l'espace, mais aussi les
sentiments et les émotions, avec une telle finesse qu'ils deviennent
vôtres. Imaginez des créateurs qui projettent leurs oeuvres au coeur de
votre système nerveux, dans un spectacle où vous êtes tour à tour ou
simultanément tous les personnages. Imaginez le pouvoir que cela confère
à un artiste, pour peu qu'il sache le maîtriser. Maintenant imaginez
que le plus talentueux d'entre eux, en proie au doute sur la société,
son art et lui-même, soit décrété paria, et qu'il ne soit pas seul...
++ Mon avis ++
Yal Ayerdhal est l'auteur aujourd'hui de plus de 20 romans. Il est également primé de plusieurs prix, tant en SF qu'en polar/thriller. Jadis un auteur essentiellement SF, c'est aujourd'hui un auteur plutôt thriller ou polar. Encore que chez lui, la limite n'est jamais bien définie, toujours fluctuante, et ça me plait bien. Ayerdhal est aussi l'auteur des coups de gueule, le syndicaliste de la littérature, l'homme qui l'ouvre quand d'autres se taisent. Cela en énerve surement certains, mais cela en sert surement d'autres. Et il faut bien avouer que ce côté grande gueule se retrouve aussi dans les personnages de ses romans.
"La Bohême et l'Ivraie" est le premier roman publié de Yal Ayerdhal. Aujourd'hui disponible sous forme d'un gros pavé chez Au Diable Vauvert, le roman est primitivement publié en 1990 sous forme de quatre livres au Fleuve Noir. Republié plus tard en un seul tome, toujours au Fleuve Noir, "La Bohême et l'Ivraie" bénéficie de quelques retouches de l'auteur. Malheureusement, aujourd'hui, si le livre est toujours disponible, il n'existe toujours pas en format poche.
"La Bohême et l'Ivraie" est un space opera de pas loin de 700 pages. Épais et dense, le roman retrace les aventures d'individus face au système, ce qui est souvent le cas dans les romans d'Ayerdhal. Dans un univers régit par l'Homéocratie, Ylvain est un être doué pour l'art kinéïre. Grâce à cet art, le projeteur fait vivre et ressentir à son public des sentiments via ses pouvoirs télépathiques. Il stimule ainsi la vue, l'odorat, le goût, le toucher et toute autre perception sensorielle. Le public est réellement immergé dans l'histoire contée par le kineïre. Cependant, Ylvain n'est pas dans la norme, et les maîtres de son école n'acceptent pas sa manière de faire, veulent le conformer à la bonne voie. Mais Ylvain ne veut pas. Éjecté de l'institution, il persévèrera dans son art arrivera là où d'autres ont échoué tout en mettant à mal l'institution qui dirige la scolarisation de l'art kineïre.
Devenu connu, touchant à lui seul des foules entières, Ylvain est devenu un personnage important. Cela ne plaît ni à l'institution qui l'a rejeté, ni à l'Homécratie qui dirige l'univers. Heureusement pour lui, Ylvain n'est pas seul. Il est entouré d'autres kineïres puissants également mais aussi des Bohêmes, ces jeunes rebelles qui vivent en marge de la société établie. Mais lorsque que l'on gêne le pouvoir, il faut faire face aux coups de bâton, à la répression, voir à la mort. On ne bouscule pas l'ordre établi sans l’irriter.
"La Bohême et l'Ivraie" est un roman dont les héros sont des artistes qui grâce à leur art kineïre touche profondément leur public. Et par les sentiments et les messages que les artistes partagent, ils peuvent mettre à mal l'ordre établi. Transmettre des idées libertaires n'a jamais été bien vu d'aucun pouvoir en place. Ainsi que bousculer les dogmes, donner du pouvoir aux femmes, mettre à mal l'idée dominante, questionner le pouvoir, partager des idées séditieuses, mettre en lumière des zones d'ombres du pouvoir, etc. Avec tout cela, comment voulez vous ne pas être pris pour cible par l'Homécratie et son bras secret le Comité Ethique.
Avec son roman space opera qui mélange politique, art et esprit de révolte, Ayerdhal offre un roman bien loin des clichés militaristes que l'on porte parfois à ce genre. Il crée avec le kineïre un art incroyable et époustouflant. Il offre aussi des personnages haut en couleurs et attachant ; et amène des questionnements sur l'amour en installant un trio amoureux autour d'Ylvain. "La Bohême et l'Ivraie" est donc un roman qui ouvre la porte à de nombreuses réflexions et c'est surement une des choses que je préfère chez Ayerdhal : questionner et faire réfléchir le lecteur.
Le roman souffre hélas des défauts d'un premier ouvrage. Souvent trop bavard, les personnages d'Ayerdhal s'embarquent dans de longues diatribes qui nuisent au récit. Mais c'est aussi une des marques de fabrique de l'auteur... et sans doute un peu de sa personne, non ? Par ailleurs, le roman souffre aussi de quelques flottements au milieu de l'ouvrage, mais finalement le récit reprend du souffle et se laisse lire jusqu'au dénouement avec plaisir.
Bref, "La Bohême et l'Ivraie" est un excellent premier roman. Avec les défauts et avantages cité plus avant. Il n'a pas encore le pouvoir de certains des livres qui suivront, pourtant, on trouve déjà les prémices d'autres de ses livres comme "Chroniques d'un rêve enclavé". Sans être le meilleur roman d'Ayerdhal, "La Bohême et l'Ivraie" reste un très bon roman et un excellent space opera qui sort des sentiers battus. Un roman qui pourrait plaire aux fans de Frank Herbert ("Dune").
"La Bohême et l'Ivraie" - Ayerdhal
Reviewed by Julien le Naufragé
on
samedi, janvier 03, 2015
Rating:
Tentée, mais en même temps, le pavé SF... ça me fait un peu peur (wais wais je ne suis pas très SF).
RépondreSupprimerJe pensais continuer ma découverte de Ayerdhal avec Bastards et d'autres thriller, avant d'attaquer des gros morceaux SF :-)
Quelle personnalité ce type!
J'ai vraiment kiffé la rencontre en tout cas! Une grande gueule agréable à écouter!
Je te conseillerais d'abord "Chronique d'un rêve enclavé". Mon préféré. ;-)
RépondreSupprimerCelui-ci est son premier, à garder pour plus tard sans doute... et très épais. "Bastards" est un bon choix, très rythmé en plus.