Lecture du moi d'avril au Cercle d'Autan, la lecture de Priest me permettait de remettre un pied dans ce sympathique groupe de lecture et de terminer un livre de plus avant une rencontre avec l'auteur aux Imaginales 2014.
Alfred Borden et Rupert Angier, deux prestidigitateurs hors du commun, s'affrontent dans un duel sans merci. Trois générations plus tard, au cours d'une enquête sur une secte, le journaliste Andrew Wesley fait la connaissance de Kate Angier. Elle lui révèle qu'il s'appelle en fait Andrew Borden et qu'une guerre oppose leurs deux familles depuis la fin du XXe siècle. Quand Andrew découvre le rôle exact joué par le scientifique Tesla dans toute cette affaire, sa vie en est bouleversée à jamais…
Christopher Priest est un auteur phare de la littérature SFFF britannique. Si certains connaissent "Le Prestige" via son adaptation cinématographique, on le connaît également chez nous pour "Le monde inverti" (que je consille), "Larchipel du rêve", "La fontaine pétrifiante", "La séparation", "Les extrêmes" et bien d'autres. Depuis 1974, Christopher Priest a déjà pu recevoir différents prix dont le British Science Fiction Award, le World Fantasy Award, le Grand Prix de l'Imaginaire, le Prix Arthur C. Clark et le prix John Wood Campbell Memorial.
Paru chez nous en 2001, dans sa version traduite, "Le prestige" est un roman qui avait reçu le World Fantasy Award en 1996. Son adaptation cinématographique par Chritopher Nolan et son frère date de 2006. Film qu'il me reste encore à voir d'ailleurs.
"Le prestige" est construit comme un recueil de quatre journaux intimes. Quatre personnes pour des périodes différentes et deux camps opposés. Le premier a prendre la parole est Andrew Westley, reporter envoyé par son journal pour enquêter sur le soit-disant don d'ubiquité du gourou d'une secte locale. Sur place il y fera la rencontre de Kate Angier, descendante de Rupert Angier, lui-même illustre ennemi d'Alfred Borden qui l'arrière-grand-père d'Andrew. Un conflit datant du 19ème siècle oppose les deux familles Angier et Borden dont chaque descendant a du subir les désagréments. La deuxième partie est contée par Alfred Borden, un célèbre prestidigitateur du 19ème siècle. Au travers de son apprentissage, il croisera la route de Rupert Angier dont il tentera de démasquer les activités de spiritisme occulte. De cette rencontre naîtra une animosité profonde, qui découle de beaucoup de choses, et qui s'est développée en haine au cours des années. Quand Rupert Angier prendra la parole dans la quatrième partie, le son de cloche sera différent. Le point de vue de l'écrivain est forcément différent et comme dans tout conflit, la faute revient toujours à la partie adverse ; et comme dans tout récit, chacun écrit son histoire avec sa propre subjectivité, ne voulant faire transparaître que ce qu'il veut bien laisser transparaître. Mais le récit est bien plus subtil et complexe que cela. Des détails liés à l'écriture, des incohérences soulevées dans le récit, se révèlent être voulus et s'expliquent une fois les parties suivantes lues. La troisième partie avec Kate Angier révèle quelque détails également sur le passé d'Andrew Westley, mais c'est la cinquième partie qui va aider à y voir bien plus clair sur l'ensemble du récit, nous permettant presque de voir le roman comme une poupée gigogne où les histoires s'imbriquent les unes dans les autres, les lumières de l'un narrateur explicitant les zones d'ombre de l'autre. Le tout pour terminer sur un final étrange, fantastique et relativement ouvert, presque effrayant mais réellement génial.
"Le prestige" de Christopher Priest est un roman bien construit écrit à la première personne du singulier. Mais comme l'histoire est portée par quatre narrateurs différents, le style de chaque partie est lui-même différent, ce qui rend la lecture assez vraiment agréable et intéressante. Par ailleurs l'utilisation du "je" amène la réflexion sur l'objectivité d'un récit. Sommes-nous réellement objectif quand nous décrivons quelque chose ? L'objectivité peut-elle réellement exister quand on parle de soi ? On est donc en tant que lecteur manipulé par le récit, par les propos tenus par les narrateurs de ces carnets de vie. Par ailleurs, l'auteur joue avec le pacte énoncé par le prestidigitateur. Un magicien passe en fait un pacte avec son auditoire, montrant ses manches, prouvant qu'il est blanc comme neige. Et pourtant nous savons pertinemment que son tour de passe-passe n'est que de la prestidigitation, que l'on se fait gruger. Mais on accepte le jeu, on se plie à ce pacte, en sachant que l'extraordinaire naîtra de l'ordinaire manipulé. Avec un auteur, c'est pareil. On sait que l'on se promène dans un récit créé par un écrivain. On s'insert dans son imaginaire, on prend pour vrai son cadre, ce qu'il nous offre. On se baigne dans le récit en sachant qu'au final, on va probablement faire face à quelque chose de fantastique. Faut-il voir au final le travail d'écrivain comme celui d'un prestidigitateur, une personnage dont l'art consommé est de troubler l'auditoire/lectorat par quelques tours savamment orchestrés ? Et au regard de l'objectivité naissant par couche au fur et à mesure que le livre avance, on aurait envie de relire l'ouvrage pour déceler les parts de subjectivité qui dévoient l'objectivité de son chemin. Mais d'ailleurs, l'objectivité existe-t-elle réellement ? Pour ma part : je ne le crois pas. L'objectivité reste un voeu pieux inaccessible …
Bref, "Le prestige" de Christopher Priest est un roman que j'ai réellement adoré et dévoré. Un livre que certains qualifient de classique et sans doute à juste titre. Et s'il y a des années ma lecture de "La fontaine pétrifiante" m'avait laissé un peu de marbre, avec "Le prestige" ma confiance en l'auteur revient. Bref, un roman que je recommande chaudement !!
+++ La quatrième de couverture +++
Alfred Borden et Rupert Angier, deux prestidigitateurs hors du commun, s'affrontent dans un duel sans merci. Trois générations plus tard, au cours d'une enquête sur une secte, le journaliste Andrew Wesley fait la connaissance de Kate Angier. Elle lui révèle qu'il s'appelle en fait Andrew Borden et qu'une guerre oppose leurs deux familles depuis la fin du XXe siècle. Quand Andrew découvre le rôle exact joué par le scientifique Tesla dans toute cette affaire, sa vie en est bouleversée à jamais…
++ Mon avis ++
Christopher Priest est un auteur phare de la littérature SFFF britannique. Si certains connaissent "Le Prestige" via son adaptation cinématographique, on le connaît également chez nous pour "Le monde inverti" (que je consille), "Larchipel du rêve", "La fontaine pétrifiante", "La séparation", "Les extrêmes" et bien d'autres. Depuis 1974, Christopher Priest a déjà pu recevoir différents prix dont le British Science Fiction Award, le World Fantasy Award, le Grand Prix de l'Imaginaire, le Prix Arthur C. Clark et le prix John Wood Campbell Memorial.
Paru chez nous en 2001, dans sa version traduite, "Le prestige" est un roman qui avait reçu le World Fantasy Award en 1996. Son adaptation cinématographique par Chritopher Nolan et son frère date de 2006. Film qu'il me reste encore à voir d'ailleurs.
"Le prestige" est construit comme un recueil de quatre journaux intimes. Quatre personnes pour des périodes différentes et deux camps opposés. Le premier a prendre la parole est Andrew Westley, reporter envoyé par son journal pour enquêter sur le soit-disant don d'ubiquité du gourou d'une secte locale. Sur place il y fera la rencontre de Kate Angier, descendante de Rupert Angier, lui-même illustre ennemi d'Alfred Borden qui l'arrière-grand-père d'Andrew. Un conflit datant du 19ème siècle oppose les deux familles Angier et Borden dont chaque descendant a du subir les désagréments. La deuxième partie est contée par Alfred Borden, un célèbre prestidigitateur du 19ème siècle. Au travers de son apprentissage, il croisera la route de Rupert Angier dont il tentera de démasquer les activités de spiritisme occulte. De cette rencontre naîtra une animosité profonde, qui découle de beaucoup de choses, et qui s'est développée en haine au cours des années. Quand Rupert Angier prendra la parole dans la quatrième partie, le son de cloche sera différent. Le point de vue de l'écrivain est forcément différent et comme dans tout conflit, la faute revient toujours à la partie adverse ; et comme dans tout récit, chacun écrit son histoire avec sa propre subjectivité, ne voulant faire transparaître que ce qu'il veut bien laisser transparaître. Mais le récit est bien plus subtil et complexe que cela. Des détails liés à l'écriture, des incohérences soulevées dans le récit, se révèlent être voulus et s'expliquent une fois les parties suivantes lues. La troisième partie avec Kate Angier révèle quelque détails également sur le passé d'Andrew Westley, mais c'est la cinquième partie qui va aider à y voir bien plus clair sur l'ensemble du récit, nous permettant presque de voir le roman comme une poupée gigogne où les histoires s'imbriquent les unes dans les autres, les lumières de l'un narrateur explicitant les zones d'ombre de l'autre. Le tout pour terminer sur un final étrange, fantastique et relativement ouvert, presque effrayant mais réellement génial.
"Le prestige" de Christopher Priest est un roman bien construit écrit à la première personne du singulier. Mais comme l'histoire est portée par quatre narrateurs différents, le style de chaque partie est lui-même différent, ce qui rend la lecture assez vraiment agréable et intéressante. Par ailleurs l'utilisation du "je" amène la réflexion sur l'objectivité d'un récit. Sommes-nous réellement objectif quand nous décrivons quelque chose ? L'objectivité peut-elle réellement exister quand on parle de soi ? On est donc en tant que lecteur manipulé par le récit, par les propos tenus par les narrateurs de ces carnets de vie. Par ailleurs, l'auteur joue avec le pacte énoncé par le prestidigitateur. Un magicien passe en fait un pacte avec son auditoire, montrant ses manches, prouvant qu'il est blanc comme neige. Et pourtant nous savons pertinemment que son tour de passe-passe n'est que de la prestidigitation, que l'on se fait gruger. Mais on accepte le jeu, on se plie à ce pacte, en sachant que l'extraordinaire naîtra de l'ordinaire manipulé. Avec un auteur, c'est pareil. On sait que l'on se promène dans un récit créé par un écrivain. On s'insert dans son imaginaire, on prend pour vrai son cadre, ce qu'il nous offre. On se baigne dans le récit en sachant qu'au final, on va probablement faire face à quelque chose de fantastique. Faut-il voir au final le travail d'écrivain comme celui d'un prestidigitateur, une personnage dont l'art consommé est de troubler l'auditoire/lectorat par quelques tours savamment orchestrés ? Et au regard de l'objectivité naissant par couche au fur et à mesure que le livre avance, on aurait envie de relire l'ouvrage pour déceler les parts de subjectivité qui dévoient l'objectivité de son chemin. Mais d'ailleurs, l'objectivité existe-t-elle réellement ? Pour ma part : je ne le crois pas. L'objectivité reste un voeu pieux inaccessible …
Bref, "Le prestige" de Christopher Priest est un roman que j'ai réellement adoré et dévoré. Un livre que certains qualifient de classique et sans doute à juste titre. Et s'il y a des années ma lecture de "La fontaine pétrifiante" m'avait laissé un peu de marbre, avec "Le prestige" ma confiance en l'auteur revient. Bref, un roman que je recommande chaudement !!
+++ Mais
encore +++
Lecture effectuée dans le cadre du Cercle d'Atuan : Le Hit Parade du Cercle d'Atuan
N'hésitez pas à aller lire les avis de mes camarades de lecture.
"Le prestige" - Christopher Priest
Reviewed by Julien le Naufragé
on
mardi, mai 20, 2014
Rating:
Je n'ai lu que deux romans de Priest pour le moment ("La séparation" et "Le monde inverti"), mais j'ai adoré les deux, donc forcément j'ai "Le prestige" en ligne de mire.
RépondreSupprimerComme ça, je pourrai ensuite regarder le film du même nom et voir si je penche du côté de ceux qui aiment ou de ceux qui crient à la trahison...^^
Je dois aussi voir le film Lorhkan. Mais il y aura des différences, dans le ton surement et le traitement de la subjectivité et de l'objectivité qui ne peut se rendre que par le roman je pense. Enfin on verra mais souvent "the book was better"
RépondreSupprimerUn livre que j'aimerais vraiment bien découvrir!
RépondreSupprimerMerci pour ta chronique qui ravive cette envie :-)
J'ai "plus ou moins" vu le film (passé à la télé, mais j'ai dû louper une grosse partie); puis je préfère découvrir les livres avant les adaptations en général.
Alors cette rencontre aux Imaginales?!
Je me suis fait dédicacer le roman par Priest aux Imaginales, j’ai hâte de me plonger dans cette lecture (et de découvrir cette fameuse fin alternative au film !).
RépondreSupprimer@ Valériane : Très sympathique le bonhomme. Juste échangé deux ou trois mots et vu dans une seule conférence. Mais je me suis jeté sur 2 livres.
RépondreSupprimer@ Escrocgriffe : Bonne lecture alors ;-)