On peut lire ici et là un tas d'avis plutôt enthousiastes sur "La fille automate" de Bacigalupi. Mais c'est le Prix Planète SF des blogueurs 2012 qui m'a convaincu de le lire !
++ La quatrième de couverture ++
La sublime Emiko n'est pas humaine. C'est une créature artificielle,
élevée en crèche et programmée pour satisfaire les caprices décadents
d'un homme d'affaires de Kyoto. Êtres sans âme pour certains, démons
pour d'autres, les automates sont esclaves, soldats ou jouets pour les
plus riches, en ce XXIe siècle d'après le grand krach énergétique, alors
que les effets secondaires des pestes génétiquement modifiées ravagent
la Terre et que les producteurs de calories dirigent le monde.
Qu'arrive-t-il quand l'énergie devient monnaie ? Quand le bioterrorisme
est outil de profit ? Et que les dérives génétiques font basculer le
monde dans révolution posthumaine ?
+++ Mon avis sur "la fille automate" +++
Hé bien voici pour moi le livre marquant de cette fin d'année. Avec ce premier roman, couronné par un Prix Nebula en 2009, un Prix Locus en 2010 et un Prix Hugo en 2010, il y a de quoi marqué le lectorat de SF d'aujourd'hui. Outre ces prestigieux prix, le livre a reçu du lectorat francophone le Prix Planète SF des blogueurs 2012. Bref avec tout cela, Paolo Bacigalupi a de quoi focaliser l'attention sur lui. De ce côté là, je pense que c'est réussi et nous attendons déjà avec impatience la suite de sa production comme "Ship breaker" ou "Drowned cities". Bien sur il n'en était pas à son coup d'essai vu qu'il avait déjà commis quelques nouvelles que l'on souhaiterait déjà se mettre sous les yeux.
Derrière cette austère couverture qui me rappelle (malheureusement) trop un livre d'Amélie Nothomb se cache un roman foisonnant, exotique, complexe et haletant. Une couverture relativement austère qui ne marque pas, comme l'artwork original, l'exotisme de ce roman. Pareillement, la quatrième de couverture ne rend pas le côté choral de l'histoire qui est également l'un de ses points forts.
Je vais tenter de brosser un peu l'histoire plutôt complexe de ce roman. L'histoire de "La fille automate" se déroule en Thaïlande, nous voilà déjà en plein exotisme. Mais nous sommes également dans un monde qui a vu la fin des grandes réserves énergétiques. Le niveau des eaux a monté d'un cran menaçant même Bangkok protégée uniquement par un digue énorme. Dans cette Thailande du futur, le pouvoir est entre les mains de la Reine Fille, mais la force est dans l'escarcelle du Ministère de l'environnement dont les Chemises blanches sont le bras armé. Jusque là la Thaïlande a maintenu son indépendance grâce à sa politique hostile aux sociétés étrangères. Ces dernières, grosses sociétés agrobiotech n'ont qu'un but en tête : s'emparer de la réserve génétique disponible et privatiser un maximum le vivant. Nous sommes dans un futur ou le transgenèse est monnaie courante. L'homme a travaillé le code génétique d'un tas de chose, transformant ainsi un tas d’aliments, créant des animaux qui n'existaient pas et se retrouvent par ailleurs face à des pandémies difficilement contrôlables dans un pareil bouillon de gènes. Dans ce futur le pétrole n'est plus et le luxe d'utiliser le charbon se fait au détriment du quota de carbone alloué, alors l'homme a créé des piles grâce à des algues qu'il recharge par voie mécanique, mettant ainsi au travail la force des mastodontes également génétiquement modifiés.
Au milieu de ce Bangkok du futur rapidement brossé, nous allons suivre différents personnages. D'un côté, il y a Lake, homme blanc importé sur le territoire par les compagnie étrangères, complotant tant qu'il peut pour le bénéfice de ces dernières. Il y a aussi Hock Seng, Chinois émigré en Thaïlande après avoir fui le massacre des siens et survivant autant qu'il le peut, coincé entre un boulot de misère et le racisme des Thaïlandais envers eux les "Yellow cards". On suit aussi Jaidee, capitaine des Chemises blanches, héro du Ministère de l'environnement mais personnage idéaliste et intégriste qui est près à n'importe quel coup d'éclat d'autant plus s'il met à mal le Ministère du commerce. Et puis il y a Emiko, la Fille Automate, femme japonaise née de la modification génétique nippone, organique mais construite pour être une femme objet, servile et efficace dans la chose sexuelle, telle une geisha mécanique.
Paolo Bacigalupi se penche sur les effets des biotechnologies poussant aussi loin qu'il le peu ce que cette science pourrait donner si on lui lâchait la bride. Mais l'auteur imagine cette dérive menée par des grands groupes économiques et industriels qui n'ont qu'une option : celle de faire de l'argent. Alors on privatise le vivant, on modifie celui-ci et on créé de nouvelles plantes, animaux et êtres vivants devenus objets, propriétés privées et vendus pour faire du bénéfice avant tout. A bien y regarder, on est pas loin de ce qui se fait en Inde ou ailleurs dans le monde avec des groupes comme Monsanto ou BASF. Néanmoins s'il y a critique de ces dérives, on ne voit pas forcément le mal partout. La modification génétique a donné ces mastodontes qui aident à la production génétique, mais on critiquera les dérives sur les semences qui limitent in fine l'accès à l'alimentation. Paolo Bacigalupi verrait donc la biotechnologie comme un couteau, celui-ci peut servir comme outil pour faire beaucoup de chose, comme manger, sculpter, etc, mais également pour tuer, menacer, etc. Et donc, à bien se servir d'un outil, à bien mesurer les effets avant son utilisation, un outil peut vous tirer vers le haut. Mais attention de bien en baliser les effets et de ne pas laisser cela entre les mains du bénéfices à tous prix.
Avec ce livre, j'ai découvert l'étiquette biopunk, ce terme né du mélange entre biotechnologie et cyberpunk. Si ce dernier semble avoir fait son temps, du moins en littérature, le biopunk apporte, comme le cyberpunk avant lui, des réflexions au travers de la fiction. Ici, il s'agit de réfléchir sur la transgenèse et l'impact des techno-sciences. On est loin ici de l'antitechnologie de bas étage donc mais plutôt sur l'anticipation des effets négatifs et positifs. Le biopunk, pour le peu que j'en connaisse semble avoir comme politique de défendre un côté open source (biens publics) sur le génome. Bref, tout une vague qui semble porter des questions intéressantes et que je trouve plus qu'attirante.
"La fille automate" de Paolo Bacigalupi est donc un livre réellement intéressant. Il soulève de bonnes questions dont certaines font échos avec mon militantisme sous-jacent. Mais ce livre ne se limite pas à ça. L'histoire est vraiment bien construite, pleine de rebondissement et surtout à plusieurs couches. Les personnages ne sont pas archétypés. Ils ont chacun leur caractère propre, leur douleur, leur but. Chacun d'eux, même s'il parait vil en devient attachant. Et puis la construction du récit, éclatée en plusieurs points de vue rend l'ouvrage intéressant. Cette forme chorale du récit est quelque chose que j'apprécie énormément, tout autant que son côté humain. Seul point négatif? La lecture qui peut sembler difficile au début avec tous ces néologismes, ces marques et noms de firmes. Sans oublier tous ces termes, noms et expressions en Thaï. Tout cela achoppe un peu le rythme de lecture mais participe à la plongée dans cet univers exotique, futuriste et décadent. Donc l'un dans l'autre cela équilibre et renvoie presque ces défauts vers des points positifs. En tout cas, tout cela n'a pas du rendre le travail de traduction facile à madame Sara Doke. Alors beau travail de sa part!
Et comme il faut bien terminer quelque part, sachez que ce roman est un vrai plaisir de lecture. Un roman qui mérite ses prix littéraires et qui je l'espère marquera la SF d'aujourd'hui. Il ne lui manque plus qu'un Prix William Gibson (qui n'existe pas à ma connaissance) tant le spectre de cet homme hante ce roman. "Neuromancien" quand tu nous tient...
Prix Planète SF des blogueurs 2012.
14ème lecture pour le challenge Fins du Monde :
Mes autres chroniques pour se challenge.
+++ Le
livre +++
- Broché: 595 pages
- Editeur : Au Diable Vauvert (9 février 2012)
- Traduction : Sara Doke
"La fille automate" - Paolo Bacigalupi
Reviewed by Julien le Naufragé
on
mardi, décembre 18, 2012
Rating:
Guillaume, du blog Traqueur Stellaire, m'avait déjà bien mis l'eau à la bouche au sujet de ce roman, tu me confortes dans mon idée. Je l'achète après Noël u_u
RépondreSupprimerBien content que j'arrive à te convertir pour de bon à ce roman. ;-) Papa Noël fera un heureux de plus!
RépondreSupprimerQu!e dire d'autre si ce n'est : grand roman ! A conseiller à tout le monde, même si pas forcément simple d'accès.
RépondreSupprimerGrand roman en effet.
RépondreSupprimer@ Lorhkan : Ce n'est certes pas un roman d'initiation à la SF mais cela reste un grand roman, peut-être un futur classique?
RépondreSupprimer@ Gromovar : Vous avez bien fait de lui remettre le Prix Planète SF.
J'ai lu en diagonale, suis en plein dedans, bon j'avoue que le démarrage est un peu dur là mais je vais reprendre vite, lol
RépondreSupprimer@ Endea : Accroches-toi, c'est déconcertant au début. Il faut entrer dedans vu tous les néologismes et les termes Thai, mais ça vaut le détour!
RépondreSupprimerfarpaitement d'accord avec toi :) Grand roman qui mérite son prix.
RépondreSupprimer@ Lhisbei : Je ne m'attendais pas à ce que tu dises le contraire! ;-)
RépondreSupprimerDéconcertant comme tu l'avais dit, j'ai repris et achevé ce roman plus qu'atypique. Je l'ai trouvé difficile à lire même si cela ne remet pas en cause sa qualité, je ne regrette tout de même pas d'avoir persévéré pour l'achever. D'ailleurs plus l'on avance, plus c'est passionnant.
RépondreSupprimer@ Endea : Un excellent roman mais pas facile. Je t'avoue avoir eu un peu de mal à la lecture au début. Tous les néologismes et mélanges de langues ne favorisent pas la fluidité mais concourent à créer une ambiance géniale. Et plus on avance, plus les choses se développent, c'est génial!
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