Cela faisait longtemps que je repoussais sans cesses la lecture de Neil Gaiman. C'est pas faute de lire des éloges sur le bonhomme, mais moi quand on en fait trop, ça me fait peur. Toujours est-il que c'est l'occasion d'une lecture commune avec le Cercle d'Atuan qui m'a poussé vers ce livre et au final j'en ressors complètement conquis.
++ La quatrième de couverture ++
Dans le vol qui l'emmène à l'enterrement de sa femme tant aimée, Ombre rencontre Voyageur, un intrigant personnage. Dieu antique, comme le suggèrent ses énigmes, fou, ou bien simple arnaqueur ? Et en quoi consiste réellement le travail qu'il lui propose ? En acceptant finalement d'entrer à son service, Ombre va se retrouver plongé au sein d'un conflit qui le dépasse : celui qui oppose héros mythologiques de l'ancien monde et nouvelles idoles profanes de l'Amérique. Mais comment savoir qui tire réellement les ficelles : ces entités légendaires saxonnes issues de l'aube des temps, ou les puissances du consumérisme et de la technologie ? A moins que ce ne soit ce mystérieux M. Monde...
+++ Mon
avis +++
Derrière une couverture qui ne rend pas hommage au livre, se cache un livre excellent. Je dois bien avouer que cette cover me laissait penser que j'allais arriver dans une histoire de super-héros et bien ce n'est pas du tout le cas! Heureux que je fus donc, car même si j'aime bien les histoires de super-héros, dans les romans c'est pas mon truc. Par contre "American Gods" est un livre bien plus subtil que le titre et la cover ne le laisse penser.
Neil Gaiman est un auteur bien connu aujourd'hui. On peut carrément dire une vedette. Le genre d'auteur pour qui certains fans vouent un réel culte. Un auteur qui a autant réussi comme scénariste BD, "Sandman" et d'autres, que comme nouvelliste ou auteur de roman, "Neverwhere" et bien d'autres. Certains titres ont même connus des adaptation à l'écran ou au cinéma. Et des prix il en a également reçu également, rien moins que 5 pour "American Gods" : Prix Hugo 2002, Prix Nebula 2002, Prix Locus 2002, Prix Bram Stocker 2002 et Prix Bob Morane 2002. Bref, Neil Gaiman n'est plus un jeune premier à découvrir.
"American Gods", c'est l'histoire d'Ombre, un pauvre gars sorti de prison et qui apprend la mort de sa femme. Le jour même il rencontre un drôle de type, un certain Voyageur, qui lui propose de travailler pour lui. Faute de mieux, Ombre acceptera et stoïquement fera face à un tas de rencontres toutes plus bizarres les unes que les autres. En tant que garde du corps de Voyageur, il devra donner de sa personne et faire face à un conflit qui le dépasse : celui des anciens dieux et des nouveaux. Celui qui oppose les légendes et vieilles croyances au consumérisme et à la technologie moderne. Tout au long du roman, Ombre évoluera d'un côté, de l'autre, observant d'abord les choses sans avoir de prise dessus, pour finalement devenir lui-même acteur.
"American Gods" est à proprement parlé un roman merveilleux, dans tous les sens du terme. Un livre qui s'attache à l'étiquette fantastique avec une note moderne indiscutable. L'histoire elle-même se déroule comme une road-story efficace. Si l'on suit avec plaisir Ombre d'un bout à l'autre des States, c'est parce que toutes ces rencontres, toutes aussi improbables les unes que les autres, sont merveilleuses, dingues et incroyables. Un peu comme si le roman de Jack Kerouac, "Sur la route", avait pris un tournant fantastique avec à la place de Neal Cassady rien moins qu'Odin en personne. Là s'arrête probablement ma comparaison, mais ce côté itinérant est un vrai bonheur. La rencontre avec tous ces dieux déchus, ces personnages issues et auto-créés par les croyances humaines (comme chez Ian McDonald et Robert Holdstock d'ailleurs) est proprement hallucinante. Chacun d'eux, dieux issus des mythologies nordiques, hindoues, africaines, égyptiennes et autres, est un dieu perdu qui n'a presque plus d'existence. Si l'on ne croit plus en eux, ils disparaissent. Voir se suicide, comme Thor. A l'opposé, d'autres sont nés, dieux de la technologie ou des médias et tout ce que l'homme consomme aujourd'hui. Préférant abandonner son temps de cerveau disponible à la contemplation d'un écran qu'aux dévotions à un dieu vindicatif et cruel.
"L'homme peuple les ténèbres de fantômes, de dieux, d'électrons, de contes. L'homme imagine, l'homme croit et c'est sa foi, cette foi inaltérable, qui déclenche les événements". Devenu matérialiste plutôt que croyant, l'homme reste un animal non-raisonable. Il a besoin de croire en quelque chose, si ce n'est plus un dieu alors c'est en autre chose. Voilà un constat amer mais réel. "Ce pays a besoin de légendes, mais même les légendes n'en sont plus convaincues". Alors les dieux anciens se battent contre les nouveaux pour survivre et vole à l'homme se dont ils ont besoin pour survivre, que ce soit des vies ou tout autre chose.
"American Gods" est un livre plein de références, cachées ou bien étalées. Les dieux sont chacun cachés derrières des pseudonymes et pour certains il faut pouvoir les deviner si l'on ne connait rien en mythologies. D'un autre côté, Neil Gamain glisse de multiples références étalées au grand jour, musicales mais aussi livresque. On retrouve des livres ici et là, ou des phrases que affirme qu'un village n'en est pas vraiment un s'il ne possède pas au moins une bibliothèque. Les références télévisuelles sont également régulièrement offertes. Sans oublier l’utilisation régulière de nom de marque en lieu et place des objets eux-mêmes. Quant au langage lui-même, il jouera la carte du direct, celle d'une langue ordurière qui colle bien avec le personnage sorti de taule et ces dieux déchus condamnées à survivre comme ils peuvent.
Le roman de Neil Gaiman est une référence assumée et affirmée à de nombreux auteurs : Roger Zelazny (la thématique mythologique en est une preuve), Harlan Ellison, James Branch Cabell entre autres, mais à Gene Wolf (dont il assure avoir volé la meilleur réplique du roman ici présent) ou bien Terry Pratchett (qui l'aurait aidé à résoudre un point de scénario).
Bref, "American Gods" est un chef-d'oeuvre, rien de moins. Je dois bien lui concédé cela. Ce roman syncrétique est une pure merveille. Et pourtant c'est un roman qui déroutera nombre de lecteurs car pour certains d'entre eux, ce livre manque d'action ou de rythme. Le roman n'est pas une histoire d'aventures, mais bien un road-story déroutant où le mysticisme rencontre la réalité, où les dieux prennent forme et combattent pour leur survie dans un monde qui les a crée et en crée de nouveaux. Ceci dans un ensemble de pays, les States, sorte de melting-pot invraisemblable qui s'est construit sur des vagues et des vagues de migrants ayant chacun amené ses propres croyances. Colonisation qui se fit depuis les premiers hommes venus sur cette terre, en passant par les vikings jusqu'au esclaves africains, autres Britaniques ou petits commerçants Arabes... Sur ces différentes parties des migrations, Neil Gaiman en profitera pour écrire des intermèdes sur la peu glorieuse histoire des USA.
Au final, "American Gods" est un roman énorme. Bien loin de ce qu j'avais pu attendre ou de ce que la couverture me laissait attendre. Une belle claque en somme. Un roman que se relira dans quelques années et qui livrera d'autres choses tant les références cachées sont nombreuses. Un livre que je conseille grandement de lire. Et ne faites pas comme moi : n'attendez pas autant d'années. Faites-le maintenant.
+++ Mais
encore +++
Il s'agit de mon 13ème livre lu dans le cadre du Challenge Chef d'oeuvre de la SFFF.
SF : 7/9 , Fantasy : 5/7, Fantastique : 1/2
Toutes les chroniques de ce challenge
Mon billet de participation.
Le Billet de présentation du Challenge
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"American Gods" - Neil Gaiman
Reviewed by Julien le Naufragé
on
dimanche, décembre 02, 2012
Rating:
+1
RépondreSupprimer(comme si j'allais pas être d'accord ^^)
+2 et la couverture est totalement inappropriée. Je l'ai lu après avoir découvert Neverwhere qui m'avait enchanté aussi.
RépondreSupprimerTu parles un peu de Pratchett ; je te conseille la lecture fort vivifiante en cet hiver qui s'annonce (avec un certain solstice d'hiver apocalyptique, hihihihahahahoho !) du livre coécrit par Gaiman et Pratchett : "De bons présages" (Good Omens). Avec Queen en bande-son.
RépondreSupprimerMerci pour la régularité de ta rubrique, ami naufragé !
+3 !
RépondreSupprimerBelle chronique au passage, il faut d'ailleurs que j'écrive la mienne...
En tout cas, j'ai découvert Gaiman avec ce roman et j'ai adoré. J'en lirai donc d'autres ("De bons présages" en fait partie, comme le conseille Marcel Trucmuche).
@ Vert : Je suis conquis par l'auteur, merci de la découverte ;-)
RépondreSupprimer@ Efelle : On est bien d'accord sur la cover : "inappropriée". Je me lirais bien "Neverwhere" que j'ai ici ou "Stardust" que je viens de trouvé en occasion.
@ Marcel Trucmuche : Je mettrai la main sur ce titre avec plaisir. Je prends note de tes conseils même si une fois devant les livres je me rends compte que je n'ai pas la liste. J'ai eu cela aujourd'hui face à des livres de John Bruner.
Et de rien pour la régularité. Je te remercie pour la régularité de lecture. Ca me fait vraiment plaisir.
@ Lorhkan : Merci pour le "belle chronique", j'étais inspiré par ce très beau livre je dois dire. Comme toi, je m'en lirai sans plein d'autres de Gaiman.
Pas besoin de liste pour Brunner, prend TOUT !
RépondreSupprimer@ Marcel Trucmuche : Haha, bon point de vue. J'y penserai si je passe.
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