Intéressé par la quatrième de couverture, c'est ensuite un peu rebuté que j'ai commencé le livre pour finalement le dévorer pris sous l'hypnose de la crudité des mots et des situations mis en scène par Pedro Juan Gutiérrez. A découvrir. Âmes sensibles s'abstenir!
+++ La quatrième de couverture +++
Vaste chronique de la vie à Cuba, Trilogie sale de La Havane est un journal égoïste qui emporte le lecteur dans un tourbillon romanesque délirant. Malgré les fulgurances de la danse et du rhum, La Havane est une ville assombrie par la pénurie et le désespoir. Le narrateur déchu y vit dans la crasse et
le sperme. Pas de philosophie ici, aucun manichéisme. Juste un homme, centré sur son sexe, ses maîtresses et ses angoisses. À la manière d'un Henry Miller, Gutiérrez sait, dans une langue vive et savoureuse, restituer le caractère essentiellement poétique, extrême, suicidaire mais constructeur de
la vie sexuelle. Un roman au rythme de salsa !
+++ Mon avis +++
Pedro Juan Gutiérrez fait partie de ces auteurs crus, directs salaces, revanchards et définitivement provocateurs. A ranger sans aucun doute avec des Henry Miller, Charles Bukowski ou William T. Vollmann, de ces auteurs qui fouillent la merde de la vie pour stigmatiser l'hypocrisie morale. Et c'est en tout cas l'idée que je m'en fait.
"La Trilogie sale de La Havane" est un ensemble de textes, de nouvelles même, écrites par Pedro Juan Gutiérrez sur sa vie, sa survie, ses malheurs, ses réflexions et toutes ses conquêtes sexuelles. Car pour ce qui est du sexe Gutiérrez aime parler de long en large du tout ce qui touche au cul. S'étendant sur ses prouesses diverses, le foutre répandus ici et là, les branlettes en pleine rue, les cavaleuses baisées ici ou là, des voisines lubriques et autres voisins portées sur la chose.
Et pourtant, après les 50 premières pages de ce jus là, je me suis demandés si j'arriverais à tenir le coup avec tout ce côté thrash, ce sexe qui dégouline, se foutre, cette saleté de la vie, cette dureté de la survie. Mais Gutiérrez a la plume qu'il faut, il accroche avec des phrases courtes, percutantes et en peu de mots l'odeur vous accable, les images vous titillent, et le réalisme vous offusque. Une écriture crue, directe, qui n'a pas peur des mots, ceux qui sont sales mais qui tétanisent, qui hypnotisent et subjuguent, ceux qui nous mettent face à la vie sale de La Havane, bien loin des clichés de cartes postales. Ici exit le pathos et la compassion, tout est dans l'excès jusqu'à en être dégoûté. La vie est dure à La Havane et le style de Gutiérrez le rend bien. Le tout surement très bien traduit d'ailleurs.
Lire Pedro Juan Gutiérrez, c'est un peu aller à la rencontre d'Eros et Thanatos. L'un est la vie, ou à tout le moins la survie, et le sexe est cette échappatoire immédiate, celle qui vous fait sentir en vie, celle de la jouissance immédiate, celle qui fait relâcher la pression. La lutte de la vie face à cette mort permanente, si proche, face à la faim qui vous cravache le ventre et aux maladies qui vous rongent. Et chez Gutiérrez, les vices l'emportent sur la morale. Mais quelle morale quand la seule chose qui vous reste c'est la survie?
Et pour survivre à la faim, pour éviter de se suicider, tout est bon de la prostitution aux diverses combines à la con, du marché noir à l'arnaque aux touristes, tout y passe. Des gens meurent, subissent la violence, ont faim, mais il faut continuer à vivre, parfois comme on peut avec le peu que l'on peut trouver, entre la crasse et les odeurs, entre les corps des autres entassés comme des sardines dans des appartements et ses bâtiments décrépis prêt à s'écrouler. Gutiérrez est un pauvre parmi les pauvres. Il est certes cynique, mais la vie continue et tout est bon pour survivre. Basta pour le pessimisme, il faut tenir debout, comme on peut et aussi longtemps que l'on peut!
Mais pour survivre face à la mort permanente, celle qui vous côtoie, celle qui vous attend, il faut bien lâcher la pression, et pour cela il ne reste que le sexe, le rhum et la ganja. Le tout en profusion et surtout à l'excès, encore et encore, jusqu'à oublier que la vie est ce qu'elle est : dure et sale. Alors âmes sensibles s'abstenir, car ici tout est direct, thrash et salace. Et cette réalité sale ne plaira pas à tous et toutes. Qu'on se le dise...
+++ Mais encore +++
D'autres avis de lecture sur le sujet peuvent se découvrir par ici.
+++ Le livre +++
- Poche: 437 pages
- Editeur : 10/18 (2 janvier 2003)
- Collection : Domaine étranger
- Traducteur : Bernard Cohen
- Couverture : Michael Heffernan
"Trilogie sale de La Havane" - Pedro Juan Gutiérrez
Reviewed by Julien le Naufragé
on
dimanche, octobre 16, 2011
Rating:
J'ai choisi un livre du même auteur... et comme je m'y attendais pas, j'ai été au début très surprise par le ton violent et vulgaire de Pedro Juan Gutiérrez mais j'ai beaucoup aimé cette lecture qui m'a fait découvrir un pays attachant.
RépondreSupprimerTypiquement le type d'écriture avec laquelle j'ai du mal ausis je préfère laisser ce titre de côté. J'ai rajouté le lien de ton billet dans mon article.
RépondreSupprimerJ'avais repéré ce titre lors de mes recherches mais ce n'est vraiment pas ma tasse de thé ! C'est une autre approche de Cuba ! :)
RépondreSupprimer@ Aproposdelivres : J'ai été également surpris par le ton qui est plus cru et vulgaire que je ne m'y attendais. Mais finalement, je me suis laissé porté par le style et celui met finalement en exergue la vie dure du Cuba des années 90.
RépondreSupprimer@ Véro : Pas le genre de lecture que je fais habituellement. Ce ton n'est pas le genre de truc qui me plaît généralement, mais ici j'ai été personnellement subjugué par tant de crasse, de vulgarité et de cochonneries. On verra si plus tard je m'y remets...
@ Frankie : Je peux comprendre, ce n'est pas la tasse de thé de grand monde! ;-)
Très peu pour moi... Ton billet me fait un peu penser à du Virginie Despentes (?), mais en tout cas, je suis sûre de ne pas apprécier. C'est aussi à ça que sert la blogosphère !
RépondreSupprimer@ Caro : Tout à fait, on découvre des livres à lire, ainsi que des livres que l'on ne voudra pas lire. Si le style ne te plaît pas, passe ton chemin. Je n'ai jamais lu Despentes, mais je crois qu'on l'on en est pas loin. Je ne me lirais pas cela tous les jours, mais c'est une expérience quand même. Qui choque certes, mais qui fait réfléchir aussi.
RépondreSupprimerSi les autres n'ont pas l'ai tentées, moi je le suis! J'adore Bukowski et ma lecture cubaine était dans le même ton, peut-être en un peu moindre, donc je note, je pense que ça me plairait!
RépondreSupprimerJ'espère que tu te joindras à nous pour la prochaine destination, Israël!
@ Evertkhorus : Cool si cela te tente. Pour ma part, je n'ai lu que deux ou trois nouvelles de Bukowski. Je vais essayé de m'y remettre pour vérifier ma comparaison. Par contre cela fait un bon moment que j'aimerais me lire Vollmann. Pour Israël, je n'avais pas voté, j'avoue que je ne savais pas quelle destination n'ayant aucun livre en tête. Mais trouvé un livre israélien ne doit pas être des plus difficile alors pourquoi pas. Reste à trouver un titre avant de dire oui! ;-)
RépondreSupprimerle génie à l'état pur... de celui qui ne peut pas plaire aux gentilles petites filles qui s'envoient des petites fleurs sur le net et jurent qu'elles ne se sont jamais touchées... c'est du bon, du brut, de la bonne littérature qui me donne envie de le déguster dans son jus original...Rien lu de tel depuis Bukowsky mais infiniment moins crade et plus sensuel...
RépondreSupprimerPlus sensuel que le peu que j'ai lu de Bukowsky. Mais ce roman-ci me donne envie d'en lire plus de cet auteur
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