Jean-Claude Dunyach est un des grands maîtres de la nouvelle en France. C'est sa distance favorite, celle où il excelle diront certains. Ce livre est le deuxième de ses recueils que je lis et encore une fois c'est du plaisir, tant au niveau du style riche que des histoires déroutantes, voir absurde.
++ La quatrième de couverture ++
Deuxième opus, deuxième constellation en dix
soleils de la galaxie Dunyach. Des astres chauds, des astres froids, et
toujours ce grand combat entre l'entropie et l'anthropie où se
confondent l'amour et la mort, le destin et l'imprévisible. Ici, on
apprend ce qui s'est réellement passé à la fin du jurassique et on ne se
contente pas d'entrevoir l'extinction de l'humanité, on comprend
pourquoi elle est inéluctable.Saviez-vous que les gens cliquettent ? A
votre avis, quel est le plus mortel des péchés capitaux ? Peut-on
vraiment domestiquer un AnimalVille avec une chenille qui pond des
cabines de communication ? Maître Dunyach manie l'absurde et le chaos
dans la logique des mathématiques fractales et nous l'assène en esthète,
avec une délicieuse cruauté. Ca fait du bien partout où ça fait mal.
Ayerdhal
+++ Mon avis +++
Pour une raison encore inexpliquée, cela faisait quelques mois que je traînais ce livre et que je ne l'avais pas encore lu. En fait, la raison s'explique facilement quand on regarde la dimension de ma bibliothèque à lire. Cela dit, c'est lors des Imaginales en 2012 que je me suis offert ce recueil. Il y a peu, en 2013 lors des Utopiales, Jean-Claude Dunyach me demandait ce que je retenais de ses nouvelles. Au niveau des histoires, pris à froid, j'ai toujours du mal à me souvenir des détails. Pour un texte court, j'ai toujours plus de mal de mémoriser... Par contre ce que je retiens de l'auteur c'est la qualité du style. Réellement, Jean-Claude Dunyach est un auteur qui a un belle plume. A l'instar d'Ayerdhal, c'est un écrivain qui aime soigner son style. Peut-être ont-ils gagner chacun à se relire et se corriger mutuellement? Au delà du style, il y a les ambiances qui sont également très soignées. Si son univers est globalement très SF, il est surtout très fantastique également. Les atmosphères sont lourdes, sombres, oniriques, déstabilisantes, angoissantes, ... On est loin du texte d'aventure pure et simple. Les tonalités sont plus riches et les couleurs plus denses. Jean-Claude Dunyach questionne beaucoup la rencontre avec l'autre, traitant le sujet sous un angle SF ou fantastique avec une bonne dose d'absurde.
Des textes comme "sucre filé" ou "Des gens qui cliquettent" sonnent comme des contes encore plus noirs que ceux des Grimm. "Dialogue avec les Parques" nous convie en terrain obscure de la mythologie. "Nos traces dans la neige" invite à une rencontre particulière avec une autre forme de vie. "Paranamanco" invite aussi à découvrir une autre forme de vie, celle des AnimalVilles utilisés comme zone habitable. "Chaîne de commandement" nous montre de manière absurde comment on décide en deux temps trois mouvements pourquoi on peut annihiler des êtres différents de nous mais qui ont droit aussi à la vie. "Mémo pour action" est un texte absurde, mais qui montre qu'à trop éviter un problème celui-ci se rappelle inévitablement à vous quand il est trop tard pour agir. "Tous les chemins du ciel" est un texte à forte présence mélancolique, tout en confrontant une fois de plus à une autre forme de vie. "En attendant les porteurs d'enfants" est un texte que l'on dira post-apocalyptique et qui annone la profondeur de la connerie dans laquelle on tombera.
Au final, ce "Dix jours sans voir la mer" est un bon recueil. Un livre qui m'a donné envie de prolonger ce plaisir dans un autre recueil acheté lors des Utopiales 2013. Un auteur à découvrir si ce n'est pas déjà fait.
Au final, ce "Dix jours sans voir la mer" est un bon recueil. Un livre qui m'a donné envie de prolonger ce plaisir dans un autre recueil acheté lors des Utopiales 2013. Un auteur à découvrir si ce n'est pas déjà fait.
+++ Un extrait +++
"La question ne cessa de le hanter tandis qu'il progressait le long de la paroi. Pesamment, au rythme lent des hommes, un geste après l'autre. Les actes automatiques - chercher un appui, déplacer le poids du corps vers le haut - ne suffisaient pas à évacuer la tension. La première année, Wander avait cru que la destruction d'un certain nombre de cocons effacerait les souvenirs qui le balafraient. Il avait eu confiance dans la puissante des nombres. Il avait gravé des encoches à coups de machette dans le bâton de sa souffrance, mais certaines choses ne possédaient pas de fin mesurable. Il n'avait jamais oublié.
Le ciel était empli de cocons qui tombaient. Lentement, avec l'élégance de feuilles mortes. Ils chuchotaient en tournoyant, caressés par les vents de la nuit, et s'écrasaient dans les jardins avec un froissement de fleurs écrasées.
Le bruit avait réveillé Marine. Elle était montée sur la terrasse, vêtue d'un immense pyjama qui flottait autour de son corps maigre d'enfant de cinq ans. En se frottant les yeux, elle s'était appuyée contre la cuisse de Wander.
- Qu'est-ce qu'ils font, papa ?
- Ils tombent.
Wander n'avait pas su quoi dire d'autre. Elle avait hoché la tête, gravement, comme si cela lui suffisait. Il avait caressé sa joue tiède d'une douceur presque irréelle.
- Tu es en train de dormir, poussin. C'est un rêve. On va se coucher.
Wander l'avait portée jusqu'à la fraîcheur de sa chambre et avait attendu qu'elle se rendorme. Dans la nuit, les cocons avaient continué de tomber sur l'oasis comme une pluie de dattes.
L'un deux avait atterri sur la terrasse et Marine l'avait découvert la première..."
Extrait de "Tous les chemins du ciel" - Jean-Claude Dunyach
Le ciel était empli de cocons qui tombaient. Lentement, avec l'élégance de feuilles mortes. Ils chuchotaient en tournoyant, caressés par les vents de la nuit, et s'écrasaient dans les jardins avec un froissement de fleurs écrasées.
Le bruit avait réveillé Marine. Elle était montée sur la terrasse, vêtue d'un immense pyjama qui flottait autour de son corps maigre d'enfant de cinq ans. En se frottant les yeux, elle s'était appuyée contre la cuisse de Wander.
- Qu'est-ce qu'ils font, papa ?
- Ils tombent.
Wander n'avait pas su quoi dire d'autre. Elle avait hoché la tête, gravement, comme si cela lui suffisait. Il avait caressé sa joue tiède d'une douceur presque irréelle.
- Tu es en train de dormir, poussin. C'est un rêve. On va se coucher.
Wander l'avait portée jusqu'à la fraîcheur de sa chambre et avait attendu qu'elle se rendorme. Dans la nuit, les cocons avaient continué de tomber sur l'oasis comme une pluie de dattes.
L'un deux avait atterri sur la terrasse et Marine l'avait découvert la première..."
Extrait de "Tous les chemins du ciel" - Jean-Claude Dunyach
"Dix jours sans voir la mer" - Jean-Claude Dunyach
Reviewed by Julien le Naufragé
on
samedi, novembre 30, 2013
Rating:
Je l'ai lu y'a des années, j'en garde un bon souvenir (même si je me souviens d'aucun de ses textes xD). Faut que je me replonge dans ses nouvelles un jour...
RépondreSupprimerJ'ai lu un recueil de Dunyach dans cette même collection il y a quelque temps, et comme toi j'ai été frappé par la qualité de la plume de l'auteur. Sensible, subtile et raffinée, un vrai bonheur d'esthète !
RépondreSupprimer@ Vert : J'ai du mal à me souvenir du détails des nouvelles en général également. Mais l'atmosphère générale et le style...Cela me reste.
RépondreSupprimer@ Lorhkan : Ha, tu confirmes donc mon appréciation. Cool ;-) J'espère creuser encore ces textes prochainement.