"La perfection du tir" de Mathias Enard

Comment en suis-je arrivé à lire Mathias Enard? Par intérêt particulier comme temps d'autres vu ce que l'on peut lire de son livre "Zone"? Non, pas du tout. Juste un pur hasard... Voilà qu'un jour je me promène dans l'une de mes librairies favorites avec un besoin urgent d'investir dans un livre. Lequel choisir? Voilà que ce livre me tombe entre les mains. La quatrième de couverture semble alléchante. J'ouvre le bouquin et me lit la première page pour me faire une idée... Et là, vlan, je me retrouve happé par le style littéraire de Mathias Enard.

"Le plus important, c'est le souffle.
La respiration calme et lente, la patience du souffle; il faut d'abord écouter son propre corps, écouter les battements de son coeur, le calme de son bras, de sa main. Il faut que le fusil devienne une partie de soi, un prolongement de soi.
Avant même la cible, l'important c'est soi-même. Il faut organiser l'espace, qu'on se trouve sur un toit, derrière une fenêtre, n'importe où, il faut le contrôler, le faire sien. Rien de plus ennuyeux que le passage d'un chat dans son dos, ou l'envol d'un oiseau. Il faut être soi et rien d'autre, l'oeil dans sa lunette, le bras métallique tendu vers la cible, pour le rejoindre. Depuis mon toit je parcours les trottoirs, j'explore les fenêtres, j'observe les gens vivre. Je peux les rejoindre d'une pression sur la détente. Ce n'est pas simple, bien au contraire, c'est un métier difficile qui demande précision et concentration. Les gens pensent uniquement au coup de feu et au résultat du tir. Ils ne savent pas que j'ai écouté les battements de leur coeur à travers le mien, que j'ai retenu toute émotion, que je me suis arrêté de respirer, juste avant de presser la détente, comme on dit, mais je ne presse rien, au contraire, je libère un chien de métal qui vient frapper un point de percussion qui enflamme une poudre qui propulse un projectile jusqu'à douze cents mètres et qui vous tue. Ou pas. ..."

On se retrouve vite happé par l'histoire du narrateur dont on ne connaîtra jamais le nom. Un voyage étrange, on ne sait où si ce n'est quelque part dans un pays en guerre. Un parallèle avec toute guerre actuelle ou passée est envisageable. Ni bon ni méchant. Il y'a eux et nous. Il y'a nous et le narrateur. Un homme qui ne fait qu'un avec son fusil. Happé que l'on est dans l'histoire étrange d'un type déboussolé et inadapté pour qui le tir parfait est le summum de l'art et de la vie.

Mais un jour la jeune Myrna entre dans sa vie. Elle est là pour s'occuper de la mère folle du narrateur. Et tout bascule pour ce dernier. Lentement. Mais surement. Et celui-ci se retrouve confronté à ses pulsions masculines et à ses cauchemards de guerre.

Mathias Enard nous fait suivre au travers des pages le délire éveillé de ce détraqué de la guerre. La violence est toujours présente. Le mal vous colle à la peau de page en page. Rien de positif. Rien de guai. Aucune image de bonheur. Rien. Et pourtant le coté perturbé de notre narrateur a quelque chose d'esthétique. De là à l'appeler esthétique du chaos, il ne reste qu'un pas à franchir...

+++ Mon avis +++
Une écriture très prenante, même doué d'une certaine poésie. On accroche rapidement à la vie du narrateur et à sa psyché complexe. Pourtant il est arrivé un moment où je me suis presque ennuyé. Mais juste le temps de se le dire pour que Mathias Enard relance la machine en dispersant les protagonistes et relancer l'histoire.

Un livre certes pas très joyeux mais sur lequel on peut garder une certaine distance. Une oeuvre qui nous dépeint avec une certaine beauté obscure le mal qui sous-tend l'humanité. Une cruauté qui s'exprime malheureusement aux confins de notre monde actuel...


+++ La quatrième de couverture +++

Tout est dans la concentration. Tout est dans la patience, le calme, la maîtrise du souffle. Les bons jours, un seul tir parfaitement réussi suffit à lui donner la joie du travail accompli. Alors, le narrateur redescend de ce toit d’immeuble où il s’était embusqué pour tuer – dans cette ville livrée à la guerre civile –, et il rentre chez lui, retrouver sa mère à demi folle. Puis survient Myrna, une jeune fille de quinze ans embauchée pour prendre soin de la mère malade. Myrna dont la naissante féminité devient pour lui un objet de fascination, un rêve d’amour – l’autre chemin vers la perfection ? Mathias Enard décrit avec une saisissante empathie la psyché de son héros, complexe et perturbée. Le réalisme et la paradoxale poésie de sa langue reflètent la cruauté d’un monde abandonné au mal, sans autre bonheur que l’excellence dans l’art d’imposer inexorablement la loi de la force.

+++ Sur le Web +++

Fiche du livre chez Babel (Actes Sud Editions)
Mathias Enard sur Wikipdia
Une biographie de l'auteur

+++ Le livre +++

Prix des cinq continents de la francophonie (2004)
  • Poche: 180 pages
  • Editeur : Actes Sud (15 août 2008)
  • Collection : Babel
  • Prix Approximatif : 6,50 EUR
"La perfection du tir" de Mathias Enard "La perfection du tir" de Mathias Enard Reviewed by Julien le Naufragé on dimanche, janvier 31, 2010 Rating: 5

3 commentaires:

  1. C'est vrai que l'incipit est prenant, mais le sujet ne me tente pas. Je n'avais jamais entendu parler de "La zone" je dois dire (apparemment, il est connu! ^_^)
    Et je ne connais pas cette librairie liégeoise! Elle est dans le centre?

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  2. @ Cachou : une histoire sur fond de guerre, je sais bien que ce n'est pas ton truc! ;-) "La Zone" me tente quand même encore... Et pour "Le Livre aux trésors", c'est une des meilleures librairies liégeoises. Ils vont déménager et agrandir prochainement. A découvrir!

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