Redécouverte d'un auteur que j'avais adoré avec "Demain les chiens". Replongée dans une très belle plume de la SF. A (re)découvrir de toute urgence et un auteur à rééditer de nouveau car il pose la question de l'autre d'une manière incroyable.
++ La quatrième de couverture ++
Il s'approcha, se pencha, et laissa courir sa main sur le haut de l'objet sans se demander ce qui lui inspirait cette réaction, même s'il songea, un peu tard, qu'il aurait sans doute dû se retenir. Mais ce devait être sans danger, car il ne se passa rien — dans un premier temps. Le métal, ou le matériau évoquant le métal, était lisse sous la paume et son poli semblait abriter une terrible dureté ainsi qu'une force effrayante. Il retira sa main, se redressa et recula d'un pas. La machine émit un unique cliquetis, comme par choix — comme pour attirer l'attention, prouver sa nature et indiquer qu'elle possédait une fonction et entendait l'accomplir avec autant d'efficacité que de discrétion. Telle fut du moins la nette impression qu'il en retira. Puis elle pondit un oeuf...
+++ Mon avis +++
Clifford D. Simak est un auteur plutôt oublié du monde de l'édition d'aujourd'hui. Si ce n'est l'excellentissime "Demain les chiens", le reste a surement tendance à tomber dans l'oubli. Il y'a peut-être de bonnes raisons, de moins bons textes ou que sais-je d'autres, mais pour ce que j'en sais, jusque là je n'ai jamais été déçu par le style de Clifford D. Simak. Alors de voir que Le Bélial nous offre de nouveaux recueil de nouvelles de l'auteur, moi je plonge dessus les yeux presque fermés. D'autant que "Voisins d'ailleurs" est un assemblage de nouvelles pour la plupart inédites en français.
Avant de parler des textes, autant lancé des fleurs. D'abord à Pierre-Paul Durastanti pour ce très beau travail de rassemblement de très bons textes. Ensuite pour l'excellente traduction qu'il nous offre qui fait surement plus qu'honneur au style très agréable de Clifford D. Simak. A force de lire des auteurs étrangers, on aurait presque tendance à oublier le rôle important d'une bonne traduction. Et je rajouterais même que des traductions revues et corrigées au goût du jour sont généralement un plus essentiel pour une œuvre et un style comme la SF qui a souvent été traduite à la va vite. Sans oublié le travail de Le Bélial qui soutient un réel travail de fond sur la SF. Et d'ajouter que la couverture est très sympathique et colle très bien avec le fond du livre.
Le style de Simak se traduit par une certaine lenteur. Tourné vers une vie rurale plus calme, l'auteur nous offre à chaque fois des rencontres avec l'autre, avec l'étranger, souvent représenter par un être, ou un objet, extraterrestre. Ce dernier, jamais considéré comme un envahisseur, annihilateur ou conquérant, et souvent vu sous l'œil de la curiosité et de la découverte, ou simplement comme bon voisin. Faisant fi de cette image d'une SF technologique, militariste et guerrière, Clifford D. Simak nous offre ainsi une SF finalement poétique voir philosophique. Mais même si l'auteur travail sur des fonds éculés de la SF que sont les extra-terrestres ou les voyages dans le temps, la sauce prend bien. Pour des textes écrit entre 1953 et 1980, la magie prend toujours!
Abordons ces nouvelles, en bref, sans trop en dire ni rien dévoiler...
Dans "La Maternelle", un homme découvre un objet étrange. S'approchant de celui-ci ce dernier pond un oeuf de jade. Étrange. Mais c'est sans compter que quelques jours plus tard, le cancer de notre homme disparaît. Intrigué, les voisins veulent voir cette chose et chacun de recevoir un cadeau de notre objet insolite. A travers ce texte, transparait une certaine mélancolie contrebalancée par ce côté seconde chance et nouvel avenir qu'offre l'objet à notre héros en faisant disparaître son cancer.
"Le bidule", nouvelle suivante, continue sur la même idée. Si notre précédent héros était âgé, celui-ci est jeune. Johnny habite une ferme dans laquelle il est maltraité par ses tuteurs. Le réconfort, il le trouvera auprès d'une minuscule objet volant non-identifié, un bidule qui irradie de la gentillesse. Sans compter les changements que cela va apporter dans l'entourage du gamin. Sympathique nouvelle même si classique.
"Le voisin" est un gars étrange. Arrivé depuis peu pour s'installer dans la région et se mettre à l'agriculture. Il est plutôt mal vu par les gars du coin. Cependant, il faut bien accepté le fait que ce Heath se débrouille très bien, voir mieux que d'autres et que depuis qu'il est là tout pousse mieux, même si quelque chose de fantastique semble s'y mêler. Ce qui intrigue bien quelque curieux. Mais finalement, Heath n'est qu'un voisin venu d'ailleurs. Superbe texte.
Pour "Un Van Gogh de l'ère spatiale", changement de décors. On part sur une autre planète avec un fond de space opéra, l'air de ne pas y toucher. Et l'on suivra Anson Lathrop, critique d'art, qui se posera une question : pourquoi ce merveilleux peintre qu'est Reuben Clay a immigré sur cette planète perdue de tout. Ici se posera la question de la communication entre être différents et des différences d'interprétation sur fond de réflexion entre le savoir et la foi.
Dans la "fin des maux", les extraterrestres nous ont apporté le bonheur. La fin des maux? Ou le cadeau serait-il un peu empoisonné?
"Le cylindre dans le bosquet de bouleaux" joue sur le jeu du voyage temporel. Un groupe de chercheur se penche sur un objet (encore une fois oui!) étrange. Un cylindre. Autour de celui-ci ces hommes de sciences vont travailler et faire des découvertes. Bien construit sans m'avoir spécialement touché.
La "Photographie de Marathon" continue dans le registre du voyage temporel. Un texte relativement long en rapport aux autres mais qui nous laisse le temps de s'imprégner des personnages. Ceux-ci, deux universitaires en vacances, vont enquêter sur la mort de leur mystérieux voisin et de découvrir un cube étrange... qui nous livre une image en 3D et en mouvement de la bataille de Marathon. Sympathique texte qui fut publié dans un recueil anglophone de Robert Silverberg.
"La grotte des cerfs qui dansent" nous livre la rencontre entre un archéologue et un gars étrange autour d'une grotte préhistorique. Sauf que ce gardien semble en savoir plus long que l'archéologue sur l'histoire... Belle nouvelle, plutôt fantastique, à l'ambiance agréable et douce, et qui remporta rien moins que les Prix Hugo, Nebula, Locus et Analog.
On termine avec "Le puits siffleur" qui nous raconte, sur un ton fantastique que ne reniera pas Lovecraft, ce qu'un puits siffleur peut avoir d'étrange. Beau texte, bien écrit mais peut-être pas celui dont je garde le meilleur souvenir.
Au final, Le Belial nous offre ici un recueil superbe. Un bouquin à offrir ou à s'offrir. Un auteur à redécouvrir de toute urgence pour sa plume, sa mélancolie, sa lenteur contemplative, son aspect rural de la SF plutôt que technologiste, et la vision qu'à Clifford D. Simak de la rencontre de l'autre (qui fera à tout le moins un bon voisin... même venu d'ailleurs).
+++ Mais encore +++
Le livre sur le site des éditions du Belial
La chronique de Guillaume le Traqueur Stellaire.
+++ Le livre +++
- Broché: 320 pages
- Editeur : Le Bélial (25 mai 2009)
- Traduction : Essentiellement Pierre-Paul Durastanti
- Illustration : Philippe Gady
"Voisins d'ailleurs" - Clifford D. Simak
Reviewed by Julien le Naufragé
on
jeudi, février 09, 2012
Rating:
Je suis ravi qu'il t'ai plu !
RépondreSupprimer@ Guillaume : Prochaine étape, la lecture du deuxième recueil avec toi. Ca va être sympa.
RépondreSupprimerEt moi aussi ! ;)
RépondreSupprimerJe suis en train en lire Demain les chiens et j'avoue beaucoup aimé son style, alors je prends note de ce recueil ^^
RépondreSupprimer@ Pierre-Paul : Monsieur Durastanti? Quel honneur. Cela me fait plaisir!
RépondreSupprimer@ Calenwen : J'ai hésité à relire "Demain les chiens" avec le Cercle d'Atuan. Mais j'ai tellement de livre que je veux lire "ici et maintenant", que j'ai du mal à replonger dans mon stock de "déjà lu".
C'est cool qu'il te plaise bien Simak!